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mais cette misère a réellement grand air et ne manque ni de noblesse, ni de poésie.

Tout autre est la petite ville d’Hendaye, qui fait face à Fontarabie.

Elle a eu aussi ses jours de gloire, mais elle n’en a presque rien conservé. Les derniers pans lézardés de sa forteresse, qui pouvait montrer avec orgueil, il y a un siècle à peine, quelques nobles cicatrices, ont été démolis et jetés sur le sable de la rive. L’industrie moderne a transformé et enrichi la vieille cité basque et remplacé par des maisons neuves les respectables hôtels d’un autre temps. L’ancienne et pittoresque route de Madrid traverse bien toujours la Bidassoa à deux kilomètres en amont d’Hendaye, dans l’intérieur des terres, à côté même de l’île des Faisans ; sur la rive droite, le gracieux village de Béhobie, le dernier de la terre française, y fait face à la Behobia espagnole, qui sert de faubourg à la petite ville d’Irun ; et c’est encore aux jours de marché le chemin des Basques et de leurs mules, et en tout temps celui de quelques touristes bien inspirés. Mais le grand mouvement a lieu à Hendaye même, où la voie ferrée coupe la rivière, un peu au-dessous de la ville, au fond du golfe, sur un large pont monumental. La gare internationale est tout entière sur le territoire français et présente l’agitation et la vulgarité de toutes les grandes gares-frontière. La ville d’Hendaye en a été sans doute rajeunie et renouvelée, mais au détriment de l’art. Magasins, hangars, hôtels, villas, usines, dépendances du chemin de fer, ont rapidement formé un énorme quartier, et le faubourg industriel a pris bientôt une étendue et une importance trois ou quatre fois supérieures à celles de la vieille ville. Le port, qui avait autrefois une animation relative, est devenu médiocre. C’est une simple cale d’échouage. À marée haute, quelques barques de pêche viennent accoster un petit môle perpendiculaire à la rive, et c’est tout. Le temps n’est plus où les hardis pilotes basques d’Hendaye et de la Madalena n’hésitaient pas à courir les risques de la pêche de la baleine dans les parages de Terre-Neuve et entretenaient même un petit commerce d’échange avec le Canada. Les marins d’aujourd’hui sont plus modestes et se contentent de la pêche locale. À vrai dire, la principale exploitation du pays est celle des baigneurs, pour lesquels on a rêvé la construction d’une nouvelle ville sur la magnifique plage au vieux nom basque d’Ondarraïtz, qui se développe sur plus de deux kilomètres, de la