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MM. Eudore Pirmez et Louis Hymans : « Ces thèses, » disait le second, « sont tellement extraordinaires, tellement bizarres, tellement dangereuses, qu’il est impossible de les laisser passer sans la plus énergique protestation. Que devient le gouvernement représentatif avec une pareille façon de raisonner ? » En 1871, quand M. Pernolet, député de la Seine, voulut exposer à l’Assemblée nationale les avantages de la représentation proportionnelle, c’est tout au plus si l’impatience de ses collègues lui laissa achever son discours ; et, quelques années plus tard, un membre de la droite, M. Pieyre, fut moins heureux encore : il s’attira un rappel à l’ordre pour avoir soutenu, entre autres argumens, que la Chambre des députés représentait seulement la minorité des électeurs : « Remarquez, — ajouta sévèrement le président, M. Brisson, aux applaudissemens de l’assemblée, — que c’est autant le droit de vos amis que celui de vos adversaires que je défends en ce moment. »

Aujourd’hui, l’on ne peut plus guère accepter la représentation proportionnelle comme une « révélation ; » mais il serait également téméraire de traiter d’utopie une institution qui fonctionne dans un nombre croissant de pays. Essayons donc de déterminer le fondement et la valeur de cette réforme, en nous gardant à la fois des entraînemens irréfléchis et des préjugés misonéistes trop fréquens en pareille matière.

Je ferai d’abord remarquer que le terme même de représentation proportionnelle n’est pas fort heureux. On perd de vue que, une fois admis le principe du gouvernement parlementaire, tout système de représentation est proportionnel dans une certaine mesure ou du moins vise à l’être, et il n’y a personne qui ne soit prêt à accepter l’image si souvent citée de Mirabeau, que les assemblées représentatives doivent être comme une carte réduite dont la physionomie conserve les proportions de l’original. La question est de savoir quel sera l’original ; en d’autres termes, quelle sera la base de la représentation, d’après quel principe seront organisés les groupes qui éliront chacun un nombre de députés proportionnel à leur importance respective.

La communauté d’intérêts qui justifie les groupemens électoraux peut dériver soit de la résidence dans une même circonscription, soit de l’identité des professions ou des fonctions, soit de la conformité des opinions politiques. On applique généralement au premier système la dénomination de régime majoritaire ;