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second plan ; elles passent aujourd’hui au premier. C’est qu’on ne choisit pas, et qu’on profite de tout. On se rappelle d’ailleurs à propos que les élections municipales sont destinées à avoir, dans trois ans, un effet direct sur les élections sénatoriales. Les délégués des conseils municipaux sont en effet les électeurs du Sénat, dans la proportion de 90 sur 100. Comment, dès lors, faire complètement abstraction de la politique en élisant les conseils municipaux, puisque les conseils municipaux auront demain une part prépondérante dans l’élection des sénateurs ? On raisonne ainsi tout haut ; mais, au fond, ce n’est pas par raisonnement, c’est par instinct qu’on attache une si grande importance politique aux élections prochaines. A défaut de cette occasion, on en chercherait une autre de faire une manifestation qui paraît nécessaire. L’inconvénient de celle-ci, en dehors du danger qu’il y a toujours à introduire la politique dans nos assemblées communales, est qu’il sera bien difficile, le 6 mai au soir, de désigner avec certitude le vainqueur et le vaincu. On ne livrera pas, ce jour-là, une bataille, mais trente-six mille, autant qu’il y a de communes, et le résultat de trente-six mille batailles n’apparaît pas au premier coup d’œil. Il y a inévitablement de la confusion. Dans les élections législatives, il n’en est pas de même. D’abord les circonscriptions électorales sont ramenées à moins de six cents ; ensuite tous les élus se rencontrent finalement dans une même assemblée, et on ne tarde pas à établir la balance entre la majorité et la minorité. Encore est-elle quelquefois d’un équilibre instable. Dans les élections municipales, au contraire, les élus de trente-six mille circonscriptions restent dispersés dans trente-six mille assemblées, et on comprend sans peine combien l’embarras est grand pour les cataloguer. On a vu plus d’une fois deux armées chanter à la fois un Te Deum le lendemain d’une bataille : il n’y aura pas lieu d’être surpris, s’il en est ainsi le lendemain du 6 mai. Nous ne connaîtrons d’une manière à peu près certaine que le résultat des grandes villes ; les élections des campagnes échapperont au classement. Il est vrai que, dans les communes rurales, la situation personnelle des divers candidats reste toujours le principal facteur électoral, tandis que, dans les villes, on s’attache davantage à leur opinion. Aussi est-ce surtout dans les grands centres urbains que les élections du 6 mai auront une importance politique dont tous les partis commencent à se préoccuper.

Le premier coup de clairon a été donné par l’Alliance des républicains progressistes, groupe composé de députés et de sénateurs qui se réunit fréquemment, en dehors du parlement, sous la présidence