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— abstraction faite des communes rurales où il nous est encore impossible de savoir ce qui s’est passé, — la plupart des villes ont échappé au nationalisme. Il est vrai que, dans le plus grand nombre d’entre elles, le nationalisme n’avait pas formellement livré bataille ; et, tout compte fait, on ne peut guère citer qu’Angoulême où il ait éprouvé un échec incontestable. Angoulême est la patrie politique de M. Paul Déroulède : en son absence, ses partisans y ont été battus. Partout ailleurs, le nationalisme ne s’est présenté qu’a l’état de formation un peu vague et rudimentaire, et il n’avait nulle part la même consistance électorale qu’à Paris. On a parlé de Bordeaux, et les amis du ministère se sont bruyamment réjouis de la dénonciation du fameux pacte qui existait depuis quelques années dans cette ville entre les partis extrêmes, c’est-à-dire entre les radicaux et socialistes d’une part et les royalistes de l’autre. Nous nous en réjouissons nous aussi ; mais notre satisfaction serait plus vive, si, au pacte d’hier, n’en avait pas succédé un autre qui ne vaut pas beaucoup mieux. Que le ministère l’approuve, soit ; il est conforme à sa propre image, les radicaux et les socialistes ayant fait alliance avec les républicains qui s’intitulent libéraux et modérés. Cette coalition d’un nouveau genre l’a emporté, comme l’ancienne l’avait emporté, il y a quelques années, et par des procédés analogues. Personne n’a le droit d’être bien fier d’un pareil résultat. Quoi qu’il en soit, le nationalisme n’était pas en cause à Bordeaux, et on ne peut conclure de ce qui s’y est passé, ni pour, ni contre lui. A Lyon, il n’y a pas eu de changement notable. A Marseille, tout est resté en suspens, et il faut attendre le ballottage pour émettre un jugement ; mais les radicaux socialistes y sont très menacés. Dans la région du Nord, les socialistes sont restés maîtres des positions qu’ils occupaient. On avait espéré en reconquérir sur eux quelques-unes, et cela serait sans doute arrivé, si nous avions eu un autre gouvernement ; mais, avec celui-ci, que pouvait-on faire ? Les électeurs du Nord n’ont sans doute pas oublié le temps où MM. Waldeck-Rousseau et Millerand se succédaient auprès d’eux pour se combattre avec véhémence. Il suffit de les voir aujourd’hui dans un même ministère pour que le désarroi s’empare des esprits. La dernière leçon qu’a donnée M. Waldeck-Rousseau, leçon de scepticisme et d’indifférence, a effacé toutes les autres.

Et c’est là une des causes qui, sur tant de points du territoire, ont assuré la-victoire du socialisme. Mais il y en a d’autres. Combien de fois n’avons-nous pas répété que la politique du ministère ne pouvait être favorable qu’au socialisme et au nationalisme ! Ces prévisions se