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son espèce, ma foi, ce n’est presque pas la peine d’aller dans la mauvaise compagnie !

— Oh ! réplique l’ami auquel il s’adresse, parlez pour vous ! Il y a toujours quelques gênes de plus, quelques libertés de moins, et puis cet épouvantait du mariage…

— Épouser Fanchette ? Qui penserait à cela ? Un petit museau drôle comme son esprit, voilà tout !

— Cependant les Belcar…

— Eh bien, oui, une certaine façade, mais en carton, tout ce qu’il y a de plus en carton.

Dans un boudoir écarté, le trousseau de la mariée s’étale avec une impudeur qui ne choque personne, les vêtemens les plus intimes, les dessous les plus raffinés en soie souple de couleur tendre, liés de rubans roses par douzaines, s’offrent à l’admiration des connaisseuses.

— Ah ! s’écrie la jolie Catherine Morgan avec un soupir, les chemises de nuit que je rêve…, transparentes comme une toile d’araignée et tout incrustées de dentelle !

Elles sont quatre ou cinq jeunes filles, amies de la mariée, Berthe Reboulet, Nicole Ferrier, Claire de Vende, appartenant à des mondes très différens, mais compagnes de cours ou de catéchisme, et toutes d’examiner de près, de manier délicatement du bout de leurs petits doigts gantés les broderies, les guipures. Une seule, Marcelle des Garays, plus âgée que les autres, semble-t-il, promène sur les choses environnantes un regard à la fois attentif et désintéressé, le regard d’une personne déjà revenue de beaucoup de choses et que le spectacle de la vie amuse, mais sans lui inspirer le moindre retour sur elle-même.

— Je parierais, dit Berthe Reboulet, la fille de l’agent de change, que chacun de ces nuages roses vaut bien, avec sa garniture, de trois à quatre cents francs.

— Vous nous les gâtez, Berthe, elles sont sans prix, étant des chefs-d’œuvre, réplique en souriant Mlle des Garays, pelotonnée dans un fauteuil.

— Malheureusement, fait observer une blonde aux cheveux très pâles, blanche, effilée comme une sainte de vitrail, Claire de Vende, malheureusement, la comtesse de Réthel n’en sera pas plus belle là-dessous !

— Comtesse et une pareille lingerie, n’est-ce pas assez pour être heureuse ? reprend Catherine en soupirant toujours.