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moyen de s’en consoler qui pourrait être en même temps une précieuse ressource ? Car elle continuera d’écrire, que tu le veuilles ou non. Il paraît qu’on ne se corrige pas plus de cette manie-là que de la passion des planches. Laisse-la donc faire, au lieu de la contraindre : il n’en sera ni plus ni moins… Elle est majeure, elle peut s’arranger une existence à son gré…

— Une existence hors du monde…

— Pourquoi donc ? Le jour où l’on saura que Tchelovek est le pseudonyme de Mlle des Garays, le monde lui fera fête, au contraire. Pourvu que, tout en la livrant à ce courant qui l’emporte, tu tiennes le gouvernail, pourvu que tu ne la désavoues pas.

— Combien tu m’étonnes en parlant ainsi !

— Ma chère, il faut être opportuniste aujourd’hui. Pas plus que toi je n’aurais poussé Marcelle dans la voie qu’elle a prise, et si Brusque Réveil était une tentative avortée, nous aurions le droit de lui en faire honte, mais il a réussi. D’ailleurs, ce n’est plus comme de notre temps où le nom de femme de lettres était fort discrédité, où un livre de femme était exceptionnel. Ces dames et leurs produits sont légion ; elles ne s’habillent plus que très rarement en homme, il y en a de toutes catégories… des reines dans le nombre. Le vent de ce que tu appelles le cabotinage souffle jusque sur les trônes. Elle sera donc en bonne compagnie à la seule condition de conserver la tenue, qui ne peut jamais, quoi qu’il arrive, faire défaut à une fille bien née.

Mme des Garays goûtait peu ce plaidoyer moitié figue moitié raisin, mais, comme toujours, la diplomatie transcendante de sa sœur s’imposait.

Mme Hédouin pensait cependant :

— J’informerai Robert sans retard ; rien ne pourra mieux que cette équipée contribuer à le guérir.

Th. Bentzon.


(La deuxième partie au prochain numéro.)