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— Vous ne m’avez pas reconnue pourtant, vous n’avez reconnu aucun des personnages,… disait Marcelle suppliante.

Mais, maintenant qu’elle était avertie, Mme des Garays déclarait que Mme Hédouin était scandaleusement ressemblante.

Il est vrai que Mme Hédouin affirma, depuis, que personne ne pouvait se tromper sur le portrait effroyablement chargé de Mme des Garays.

— Au surplus, puisque mon roman n’est pas signé !… disait Marcelle, l’esprit tout plein de l’article, qu’elle finit par mettre sous les yeux de sa mère. — Regardez cela, je vous en prie, vous me pardonnerez plus facilement après.

Mme des Garays ne voulut rien regarder, ni rien entendre. Elle se retira chez elle en écartant la grande criminelle d’un geste majestueux et, sous prétexte de migraine, refusa de paraître à table.

Marcelle, en dînant seule, eut le temps de mesurer l’étendue de sa faute, sans ressentir d’ailleurs ni regret ni remords.

Cependant sa mère avait appelé auprès d’elle en toute hâte, par télégramme, la conseillère indispensable. Mme Hédouin. Il fallait décider la ligne de conduite à suivre, le parti à prendre dans des conjonctures si graves et si imprévues ; avant tout, faire cesser les funestes relations avec Mlle Gérard, dont l’influence nihiliste se trahissait assez dans le choix du nom de plume, puis empêcher que le roman parût en librairie. Grand Dieu ! où donc Marcelle avait-elle puisé ces dispositions au cabotinage ? On les réprimerait coûte que coûte ; quand il faudrait pour cela l’enfermer dans un couvent ou s’exiler avec elle à la campagne ! Telles étaient les résolutions radicales que prenait Mme des Garays. À sa grande surprise, elles furent combattues fortement par la baronne, qui n’envisageait point du tout l’événement au même point de vue.

— De quoi te plains-tu ? dit-elle. De ce que ta fille, qui, jusqu’ici, végétait sous le boisseau, est du jour au lendemain mise en évidence, avec toutes les chances d’avenir qui lui étaient auparavant refusées ?

— Tu ne me feras pas accroire, Mathilde, qu’une pareille aventure puisse aider à son mariage !

— Non, mais si elle ne se marie pas ?… Nous sommes plus d’une fois tombées d’accord qu’elle était menacée de rester fille, sa manière d’agir aidant aux circonstances. Lui refuseras-tu un