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le Milanais. L’Empereur refusait le Milanais, mais il renvoyait Salvaï à Turin le 1er juillet avec autorisation d’offrir non seulement le Montferrat, mais la province d’Alexandrie. Or, Victor-Amédée venait précisément d’être informé par une dépêche de Vernon du refus opposé par le duc de Mantoue à la cession du Montferrat. Il se trouvait donc entre une déception du côté de la France et une proposition avantageuse du côté de l’Empire. C’est à ce moment qu’une nouvelle faute allait être commise envers lui. Victor-Amédée se croyait déjà lésé dans ses intérêts : on allait le blesser dans son orgueil.


III

Lorsque Louis XIV avait conclu le mariage de son petit-fils Philippe V avec la dernière fille du duc de Savoie, la sœur de la duchesse de Bourgogne, il avait pensé que cette double alliance contribuerait à maintenir Victor-Amédée dans les intérêts des Deux Couronnes. Quelle apparence qu’un beau-père aussi avisé s’engageât jamais dans le parti opposé à ses deux gendres ? Par un singulier défi aux prévisions les plus rationnelles, ce fut une blessure portée par le gendre au beau-père qui contribua pour beaucoup à rejeter la Savoie du côté de l’Empire.

Le mariage de la princesse Marie-Louise, à dessein retardé par Louis XIV, qui se servait de ces retards pour peser sur Victor-Amédée, avait été cependant conclu à Turin au cours de l’année 1701, le marquis de Castel-Rodrigo étant venu signer le contrat en juillet, et le prince de Carignan l’ayant épousée en septembre, tous deux en vertu d’une procuration de Philippe V. La princesse était partie deux jours après la célébration du mariage pour rejoindre son mari sous la conduite du marquis de Sirié et de la princesse des Ursins, qui devait les retrouvera Villefranche. Quelques-uns des incidens les plus piquans de ce voyage, qui eut lieu moitié par eau et moitié par terre, se retrouvent dans la correspondance de la princesse des Ursins. Le plus connu de tous, qui fit alors le tour de l’Europe et que Saint-Simon raconte tout au long, est celui de sa première rencontre avec Philippe V, venu au-devant d’elle jusqu’à Figuières. Piquée du départ de sa suite piémontaise, qui, tout entière, y compris le confesseur, avait dû la quitter à Perpignan, le soir du jour où l’évêque de Girone avait béni solennellement leur union, elle ferma tout net sa porte à son