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TCHELOVEK

DEUXIÈME PARTIE[1]

V

Par un hasard assez singulier, la lettre dénonciatrice de Mme Hédouin se croisa avec une lettre de son fils, menaçante quoique respectueuse :

« L’idée m’est venue, lui disait-il, de me faire attacher à une mission, qui bientôt va prouver au monde que ces fameuses « ténèbres de l’Afrique » ne sont pas le domaine des seuls explorateurs anglais. Il me serait plus facile encore, en ce moment où l’effectif des troupes va être réduit, de rentrer de Tunisie en France avec le grade que j’ai sinon glorieusement, du moins laborieusement gagné. Réfléchissez, ma mère, et décidez. Vous êtes avertie. Votre persistance dans le refus qui a causé mon départ fera de moi un Africain à tout jamais.

« Je ne reviendrai pas avant que vous ayez levé l’interdit. Vous m’avez dit sur le ton du reproche que j’avais appris à vouloir. C’est vrai ; et je suis résolu à mettre enfin ma conscience en repos. Car j’étais engagé envers Marcelle : on ne s’engage pas que par des paroles. Elle avait le droit de compter sur moi et je me suis dérobé. La pauvre enfant saura enfin pourquoi, et elle me plaindra si elle ne peut me pardonner. Il est possible encore qu’elle ne pardonne que trop facilement, ne m’aimant plus. Cette

  1. Voyez la Revue du 1er juin.