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— Triste histoire ! ces situations dépendantes sont les pires.

— Oh ! je suis sûre qu’elle prend avec philosophie un déplacement quelconque, des possibilités nouvelles. Ce qui lui déplaisait par-dessus tout, c’était sa médiocrité. Du reste nous saurons bientôt à quoi nous en tenir, si vous ne voyez aucun inconvénient à ce que je lui dise bonjour.

— Aucun, déclara Jean Salvy.

Les trois promeneurs avaient disparu sous les grandes arcades de l’église. M. et Mme Salvy se dirigèrent du même côté et attendirent leur sortie.

Ce fut Kate qui donna le premier signe de reconnaissance :

— Ah ! Marcelle, chère Marcelle ! quelle délicieuse surprise ! s’écria-t-elle, en courant à sa rencontre avec une vivacité enfantine.

— Elle n’a pas, pensa Salvy, la mine humble, les allures contenues de l’emploi.

Kate le salua d’un rayonnant sourire.

— La comtesse va en perdre la tête ! Elle raffole des grands hommes et de toutes les curiosités.

Et, les entraînant du geste vers ses deux compagnons qui restaient à l’écart, immobiles, intrigués, Kate jeta d’une voix triomphante :

— Le poète Jean Salvy !… et sa femme dont nous avons déjà parlé plus d’une fois.

— Oh ! Tchelovek ! s’écria la comtesse, les deux mains tendues vers Marcelle, tandis que Salvy fronçait légèrement le sourcil, en répondant au salut profond du jeune homme.

— La comtesse Chestoff.… Son fils, le comte Basile, continuait Kate.

— Monsieur Salvy, nous savons tous vos vers par cœur, ajouta l’étrangère. On vous admire en Russie autant qu’en France. C’est une bonne fortune pour nous que de pouvoir vous le dire. Nous sommes à l’hôtel Danieli. Ne nous ferez-vous pas l’honneur de venir tous les deux y dîner ce soir ? Notre séjour à Venise sera bien court malheureusement. Nous nous hâtons de revoir un peu l’Italie avant de rentrer chez nous par le Tyrol.

— Vraiment, vous rentrez en Russie pour l’hiver ? dit Marcelle, résolue à détourner la conversation de sa gloire et de celle de son mari.

— J’aurais voulu attendre une meilleure saison, mais de