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qui, en quelques jours et presque en quelques heures, a fait couler beaucoup de sang chrétien autour de Pékin et de Tien-Tsin, compromis la sécurité de tous les étrangers dans les provinces et menacé même celle des légations dans la capitale. Depuis longtemps, la situation n’avait pas été aussi alarmante. Il a fallu pourvoir au plus pressé. Heureusement, les grandes puissances ont toutes des navires en Extrême-Orient : les nôtres sont, en ce moment, sous les ordres d’un de nos officiers de marine les plus distingués, l’amiral Courrejolles. Des troupes ont été débarquées, et des détachemens envoyés à Pékin pour garder les légations, devenues le refuge de tous les Européens. Mais, si le mouvement se propage, comme cela est à craindre, ces premières mesures seront insuffisantes. Cela est à craindre, disons-nous, parce que nul aujourd’hui ne peut douter de la complicité de l’Impératrice dans la prétendue rébellion des Boxeurs. On en avait eu tout d’abord le sentiment en constatant la mollesse de la répression ; on en a eu bientôt la certitude lorsqu’un général chinois, nommé Nieh, ayant fait tirer sur les Boxeurs qui le serraient de trop près et en ayant abattu un certain nombre, l’impératrice a jeté le masque et promulgué un édit qui lui infligeait le blâme le plus sévère. L’ordre est de ramener les Boxeurs par la douceur, mais de se bien garder de faire le moindre mal à des hommes que l’édit impérial qualifie de « bons sujets chinois. » Cependant le général Nieh a récidivé : dans une nouvelle rencontre, il a massacré encore un certain nombre de Boxeurs, puis il a écrit à l’Impératrice pour s’excuser de la liberté qu’il avait prise et pour signaler le danger qu’il y aurait à laisser des troupes étrangères se charger elles-mêmes de rétablir l’ordre. C’est bien là, en effet, qu’il faudra en venir, pour peu que la situation se prolonge et s’aggrave. L’accord des puissances est absolu pour le moment, et il faut désirer qu’il se maintienne : elles y sont également intéressées. Comme l’a dit très justement M. Delcassé dans la réponse qu’il a faite à une question de M. Denys Cochin, les puissances n’ont pas de plus sûr garant de leur sécurité et de celle de leurs nationaux, que l’affirmation de leur solidarité. M. le ministre des Affaires étrangères a parlé aussi d’une démarche qui vient d’être faite par les légations pour signifier au gouvernement chinois et à l’impératrice d’avoir à prendre des mesures efficaces contre les Boxeurs : sinon, les gouvernemens européens n’auront à s’inspirer que de leurs intérêts. Qu’arriverait-il alors ? L’entente parfaite qui existe en ce moment se maintiendrait-elle jusqu’au bout, si, après avoir débarqué quelques centaines d’hommes, on se trouvait dans l’obligation d’en débarquer