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professionnels, qui traitaient Paris en ville conquise ; — enfin la profonde désaffection des petits commerçans, pris entre les grands magasins et les coopératives ouvrières, auxquels les socialistes annoncent la ruine irrémédiable, et qui ne se soucient guère de se changer en fonctionnaires dans la société collectiviste de l’avenir. La petite bourgeoisie prévoit dans la législation sociale une menace très réelle et très tangible pour ses intérêts. Enfin, dans les classes pauvres, l’Assistance publique tant vantée est considérée comme une détestable administration qui, avec un budget énorme, servirait principalement à nourrir son personnel.

Aux yeux de certains socialistes qui ont peu de goût pour la politique et les politiciens, les élections parisiennes constituent un « bon coup de balai. » Mais cet échec si sensible et si retentissant à Paris, a été compensé par des succès en province. Un jeune écrivain socialiste, M. Hubert Lagardelle, estime que le nationalisme, qui s’est abattu sur Paris, aurait conquis la province, s’il l’avait attaquée, tant est grande, ajoute-t-il, la stupidité des petits bourgeois d’un sou, confits dans une éducation primaire et secondaire stupidement patriotique, et qui se mettent si aisément à la remorque « des Jésuites, des assommeurs et des faux Césariens, » pour parler le langage de M. Jaurès. Nous ne savons ! Mais les socialistes en province ont gardé nombre de positions, et conquis de nouvelles places fortes aux dernières élections, cela, il est vrai, grâce à l’alliance des radicaux, à la complicité du gouvernement, dit de défense républicaine, et qui s’évertue à faire croire au pays que, sans lui et sans ses alliés révolutionnaires, la République s’écroulerait.

Les socialistes sont maîtres des plus grandes villes. Lille a élu, en mai, 24 socialistes et 12 radicaux. À Roubaix, malgré la lutte si courageuse organisée par M. Motte, qui supplanta jadis M. Guesde à la Chambre, avec le concours de M. Waldeck-Rousseau, passé depuis à l’ennemi, le citoyen Carrette a été nommé maire par 20 voix contre 12 à M. Rousselle. Du moins il existe désormais à Roubaix une minorité de surveillance et de contrôle. À Marseille, le docteur Flaissières a été de nouveau proclamé maire au chant de la Carmagnole, de même à Narbonne le médecin hypnotiseur Ferroul. Bordeaux, Limoges, Bourges, Vierzon, Montceau-les-Mines, Carmaux, Albi, Toulouse, Carcassonne, Nîmes, etc. possèdent des municipalités socialistes plus ou moins teintées de radicalisme. À Lyon, c’est un radical socialiste.