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entre l’exécutif et le législatif, entre le chef de l’État et le parlement, établi et maintenu par l’intermédiaire obligatoire d’un cabinet nommé par le chef de l’État, responsable, non seulement en droit, mais en fait, autrement que par une clause « de style, » devant lui et devant le parlement.

De cette définition du parlementarisme découlent tout droit ses conditions, qui regardent soit le chef de l’État, soit le ministère, soit le parlement. Ab Jove, le chef de l’État. Il faut de toute évidence qu’ayant à choisir ses ministres, — pesez le mot : ses ministres, — par le fait même que ce sont ses ministres, qu’il est par eux et qu’il n’est que par eux, il soit entièrement libre dans son choix. Non moins évidemment il faut que les ministres, responsables à la fois devant le chef de l’État et devant les Chambres, personnellement de leurs actes personnels et collectivement de la conduite collective du Cabinet, soient pleinement libres dans leur délibération et dans leur action. Non moins évidemment encore, il faut que les Chambres, ayant à contrôler l’exécutif et à collaborer pour la plus grande part à la confection des lois, soient libres dans leur examen, leurs critiques, leurs discussions et leurs décisions. Pour que le chef de l’État soit libre, il faut qu’il puisse non seulement faire son ministère en pleine liberté, mais qu’en pleine liberté aussi il puisse au besoin s’en défaire. Pour que les ministres soient libres, il faut que leur responsabilité ne soit pas mise en jeu, devant le chef de l’État ou devant le Parlement, à tout propos, sous le moindre prétexte, ou même sans aucun prétexte. Et pour que les Chambres soient libres, il faut que l’exercice de leurs droits et prérogatives, de contrôle ou de législation, ne soit entravé, arrêté ou suspendu ni par l’intimidation, ni par l’astuce, ni par la faveur ; que vis-à-vis du chef de l’État et de ses ministres, vis-à-vis du gouvernement, avec tout ce que représente et ce dont dispose le gouvernement, elles soient et demeurent placées dans une position de pleine liberté.

Or, cela n’est possible, je dis que le parlementarisme n’est possible, que si chacun de ses organes est assez fort, et si aucun d’eux n’est trop fort. Quand le chef de l’Etat est trop fort, les ministres ne sont que « les serviteurs de Sa Majesté » et les Chambres désarmées, que des Chambres d’enregistrement. Quand le Cabinet est trop fort, le chef de l’État est paralysé et les Chambres, frappées d’ataxie ou domestiquées. Quand, au contraire, les Chambres