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reprenne les pouvoirs positifs dont il est d’une utilité incontestable qu’il soit investi serait qu’il pût exercer dans la réalité, comme ils sont inscrits dans le texte, son droit de choisir librement et de congédier librement ses ministres, son droit, s’il le juge nécessaire, d’en appeler au pays, de dissoudre la Chambre des députés ; mais ce moyen, qu’il n’a à demander à personne, il n’a qu’à vouloir pour l’avoir, et il n’a pour vouloir qu’à avoir assez d’autorité. Or, le moyen qu’il ait assez d’autorité, comme le moyen de placer en dehors du législatif le fondement de l’exécutif, serait de retirer aux Chambres l’élection du Président de la République, et, s’il est sage de craindre les entraînemens et les erreurs du plébiscite, de la confier à un collège spécial, dont la composition n’est sans doute pas introuvable. Un autre moyen de refaire, dans la mesure où elle est désirable, la séparation des deux pouvoirs politiques, et le moyen en même temps de ne pas franchir cette mesure, serait, en rendant la responsabilité ministérielle moins illusoire devant le chef de l’Etat et moins diffuse devant le parlement, de restreindre cette responsabilité à un seul ministre dirigeant ou à un tout petit nombre de ministres politiques, les autres étant surtout les chefs des grandes administrations, et comme tels, pour éviter avec les compétitions les compromissions et profiter des compétences, pris parmi les spécialistes, dans les administrations mêmes.

Cela fait, par l’organisation du suffrage universel, l’équilibre serait rétabli entre l’état social du pays et son régime politique ; par les autres réformes, l’équilibre serait rétabli entre les différens pouvoirs publics ; et par toutes ces réformes ensemble, sur cette base solide, avec une assiette ferme et stable, serait fondé le parlementarisme, qui précisément réside dans cet équilibre ; le parlementarisme conforme à nos conditions politiques et sociales, le parlementarisme dans sa loi et dans sa règle. Et cela fait, nous aurions fait ce que nous pouvons et nous-devons faire, qui est, aux points de l’espace et du temps où nous sommes placés dans l’évolution des institutions d’État, — non pas du tout de détruire, — mais, au contraire, de construire le parlementarisme.


CHARLES BENOIST.