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premier chapitre ou la première partie d’une Histoire de la littérature européenne devrait être consacré, non pas précisément à exposer l’histoire de la littérature du moyen âge, mais à dresser l’inventaire européen de cette littérature, et la question serait à peu près celle-ci : « Quels thèmes généraux d’inspiration les littératures modernes ont-elles hérités de la littérature du moyen âge ? » On remarquera là-dessus que, toute littérature étant nécessairement épique, dramatique ou lyrique, une pareille question serait sans doute assez promptement résolue.

Quelle transformation ces thèmes ont-ils subie ? Ce serait la seconde question, qu’on pourrait formuler d’une autre manière, assez différente, si, comme on le voit peut-être, elle se ramène à la question de savoir quel a été le caractère essentiel du mouvement que nous avons nommé du nom de Renaissance. Mais, au lieu de discuter, comme nous le faisons, sur la Renaissance en général, et, généralement aussi, avec l’intention peu philosophique de prouver qu’il eût mieux valu qu’elle ne se produisît pas, — c’est le point de vue de l’Ecole des Chartes et de l’Ecole du Louvre ; — ou, au contraire, que nous ne saurions trop nous féliciter du changement de direction dont elle a donné le signal, — et c’est le point de vue de l’Ecole normale ; — on essaierait d’en reconnaître la vraie nature à la lumière de l’histoire des genres.

Il est un de ces genres, entre tous, qui se prêterait merveilleusement à cette étude, — je serais presque tenté de dire à cette expérience, — et ce serait le genre dramatique, ou, si l’on le veut, le genre tragique. En effet, nous le voyons partout et à la fois, dans le cours du XVIe siècle, en Angleterre, comme en France, et comme en Italie, se dégager de la littérature des Mystères et des Moralités. Ou plutôt, j’ai tort de dire qu’il s’en « dégage, » car, en le disant, j’ai l’air de résoudre ou de trancher une question très délicate, qui est celle des rapports de nos premières tragédies modernes, — la première en date est la Sophonisbe du Trissin, 1516, — avec les Moralités et les Mystères ; et la question ne saurait être si facilement résolue. Contentons-nous donc de noter deux points, qui semblent dès à présent assurés, et qui sont les suivans. En Italie, comme en France, et comme en Angleterre, le développement ou le progrès du genre tragique s’est produit exactement en raison de la décadence des Mystères ; et la réaction s’est bien moins opérée contre la matière