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révélation ; on ne la trouve uniquement que dans le livre saint ; et chacun, en principe, a le droit non seulement de n’en croire que le livre, mais, de ce livre même, il a le droit, ou pour mieux dire le devoir de ne prendre que ce qu’il en comprend. On ne saurait d’ailleurs nier que, dans l’établissement de cette thèse, Calvin ait fait preuve d’une rare érudition théologique ; d’une force de dialectique plus rare encore peut-être ; et enfin d’une subtilité qui ressemble à de la sophistique, si le triomphe en est l’art de déplacer les questions. Je n’en donnerai qu’un ou deux exemples :


il y a, dit-il, un erreur trop commun, d’autant qu’il est pernicieux : c’est que l’Écriture Sainte a autant d’autorité que l’Église par avis commun lui en octroie. Comme si la vérité éternelle et inviolable de Dieu était appuyée sur la fantaisie des hommes. Car voici la question qu’ils émeuvent, non sans grande moquerie du Saint-Esprit : « Qui est-ce qui nous rendra certains que cette doctrine soit sortie de Dieu ? ou bien qui nous certifiera qu’elle est parvenue jusqu’à notre âge saine et entière ? Qui est-ce qui nous persuadera qu’on reçoive un livre sans contredit en rejetant l’autre, si l’Église n’en donnait règle infaillible ? » Sur cela ils concluent que toute la révérence qu’on doit à l’Écriture, et le congé de discerner entre les livres apocryphes, dépend de l’Église… (Opera Calvini, III, 89, 90. )


Ai-je besoin de faire observer à ce propos ce qu’il y a d’inexact ou d’abusif, en fait, à dire que « le congé de discerner les livres apocryphes, » et « toute la révérence que l’on doit à l’Écriture, » dépendent de l’Église ? Calvin pourrait aussi bien dire que les vérités de la physique ou de la géométrie dépendent d’Archimède ou d’Euclide ! De quel droit confond-il encore « l’avis commun de l’Église » avec « la fantaisie des hommes ? » ou que fait-il, quand il les confond, que de supposer précisément ce qui est en question ? Et si enfin les « avis communs » ne s’appuient que sur la « fantaisie des hommes, » que dirons-nous alors des avis individuels, quand bien même ils seraient celui de Luther, de Zwingle, ou de Calvin, qui sans doute sont aussi des hommes ? Il écrit ailleurs :


Or il n’est pas maintenant difficile à voir combien lourdement s’abuse le maître des Sentences, — Pierre Lombard, — en faisant double fondement d’espérance : à savoir la grâce de Dieu et le mérite des œuvres. Certes, elle ne peut avoir d’autre but que la Foi. Or, nous avons clairement montré que la Foi a pour son but unique la miséricorde de Dieu, et que du tout elle s’y arrête, ne regardant nulle part ailleurs. Mais il est bon d’ouïr la belle raison qu’il allègue : « Si tu oses, dit-il, espérer quelque chose sans l’avoir mérité,