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ce n’est point espérance, mais présomption. » Je vous prie, mes amis, qui sera celui qui se tiendra de maudire de telles bêtes, lesquelles pensent que c’est témérairement et présomptueusement fait de croire certainement que Dieu est véritable ? Car comme ainsi soit que Dieu nous commande d’attendre toutes choses de sa bonté, ils disent que c’est présomption de se reposer et acquiescer en icelle. Mais un tel maître est digne des disciples qu’il a eus es écoles des sophistes, c’est-à-dire Sorboniques. (Opera Calvini, IV, 66.)


Il « a montré clairement ! » et les autres « se sont abusés lourdement ! » Seulement, les autres n’ont rien dit de ce qu’il leur fait dire. Ils n’ont jamais prétendu qu’il y eût de la présomption à croire « que Dieu est certainement véritable ; » et, comme plus haut, toute la question est de savoir quelle est « la vérité de Dieu ? » si c’est Pierre Lombard qui la détient ou si c’est Jean Calvin ? Et nous ne savons pour notre part ce qu’il faut en penser, — ou du moins nous n’avons pas à l’examiner aujourd’hui, — mais qu’y a-t-il de « bête » à espérer et à croire qu’il nous sera tenu compte ailleurs des efforts que nous aurons faits pour obéir à la loi de Dieu ? C’est ainsi que Calvin, tantôt en brouillant habilement les termes, et tantôt en s’arrogeant sur ses adversaires la supériorité de l’insulte, excelle, non seulement à déplacer les questions, mais vraiment à en dénaturer le sens ; et aussi, comme on le voit, les questions, après comme avant son argumentation, demeurent-elles entières.

J’aime mieux sa morale que sa philosophie et, de toute l’Institution chrétienne, c’est ce que j’admire et ce que je louerai donc le plus : l’indignation courageuse, la rigueur de raisonnement et la force de style, l’ardeur de conviction avec lesquelles il a réagi contre ce qu’il y avait d’immoralité cachée dans la pure doctrine de l’esprit de la Renaissance. A la dangereuse illusion de la bonté naturelle de l’homme, nul n’a opposé plus franchement, ni Pascal ni Schopenhauer, en termes plus énergiques ou plus durs, — disons même, si l’on le veut, plus décourageans, — la doctrine de la perversion ou de la corruption foncière de l’humanité. Nul, pas même Bossuet ou J. de Maistre, nous l’avons dit, n’a opposé plus hardiment ni plus éloquemment la doctrine de la Providence, et d’avance, à la doctrine encore informe, mais déjà visiblement naissante, de l’indépendance ou de la souveraineté de la nature. Et, à la doctrine du libre arbitre ou de l’autonomie de la volonté, si d’autres ont opposé, comme un Spinosa ou un Comte, leur fatalisme ou leur déterminisme,