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36 pour 100 précédemment exigés dans les « offices » de Gobseck du Nouveau Monde.

Les taux sont beaucoup plus favorables, grâce au développement des opérations, dans les monts-de-piété européens. Parmi ceux de France, quelques-uns, dotés de fondations charitables, — Grenoble, Montpellier, Angers, — prêtent gratuitement ou moyennant un intérêt modique de 1 et demi pour 100. D’autres, au contraire, grevés sans doute de charges exceptionnelles, — Nantes, Cambrai, Rouen, — exigent 9 pour 100 environ pour le loyer de leurs avances. Le plus grand nombre des 45 monts-de-piété, répartis sur notre territoire, se contentent de 5 à 7 pour 100 : le taux moyen, pour les 100 millions de francs prêtés annuellement dans ces établissemens sur 4 300 000 gages, est de 6 fr. 30 pour 100. Cet intérêt est notamment celui que prélève le mont-de-piété de Paris, qui représente à lui seul plus de la moitié du total, — 56 millions de francs, — et mérite par la même une étude spéciale. En 1804, lors de sa réorganisation, il fit payer aux emprunteurs 15 pour 100 ; puis, l’année suivante, 12 pour 100 jusqu’en 1830, et ensuite, jusqu’en 1895, 9 pour 100. Depuis le milieu de ce siècle jusqu’à 1900, le chiffre des sommes empruntées a doublé, — il était de 28 millions seulement en 1847 ; — mais le nombre des objets engagés a peu augmenté d’une époque à l’autre, puisqu’il atteignait déjà 1600 000 à la fin du règne de Louis-Philippe et n’est actuellement que de 1 900 000. La moyenne des prêts est donc beaucoup plus forte : 30 francs environ, de nos jours, contre 17 francs, il y a cinquante ans.

La valeur des gages est aussi plus grande, et, de fait, ils ont changé de nature : le nombre des bardes et autres articles de première nécessité a diminué, celui des bijoux s’est accru. En 1882, il était déposé à peu près autant de bijoux que de « paquets, » — ferme générique sous lequel l’administration désigne toutes les autres matières. — L’année dernière, il était consigné moitié moins de « paquets » divers que de bijoux, et l’importance pécuniaire de ceux-ci est deux fois plus forte que celle des autres. Cette évolution est le résultat du progrès général de l’aisance ; les familles les moins fortunées possèdent à présent des bijoux à mettre en gage. Le prix d’une montre notamment a tellement baissé depuis vingt, et surtout depuis cinquante ans, que bien peu de personnes en sont dépourvues. D’un autre côté, les vêtemens sont arrivés à un si bas prix, qu’ils sont difficilement