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qu’avec l’intérêt de 6 fr. 35 pour 100, uniformément exigé des déposans, les prêts inférieurs à 33 francs sont, sans exception aucune, onéreux au mont-de-piété. De 31 à 117 francs les prêts lui sont coûteux ou profitables, suivant la durée du séjour des gages en magasin. Enfin, à partir de 118 francs, les opérations de prêt sont toujours rémunératrices ; le produit des intérêts dépassant, dès la première quinzaine, le montant des charges supportées par l’administration.

L’année dernière, sur 1 900 000 perceptions, un tiers (617 000) étaient en gain ; les deux autres tiers (1 283 000) constituaient des pertes, parce qu’elles n’atteignaient pas le minimum de 1 fr. 05, nécessaire pour couvrir les dépenses qu’elles avaient occasionnées. La plupart, en effet (926 000), ne dépassaient pas 0 fr. 50 et 330 000 environ donnaient de 0 fr. 05 à 0 fr. 15. Une institution qui prête de. l’argent, emmagasine, transporte, épure, — les matelas sont gratuitement passés à l’étuve, — des gages généralement encombrans, pour une redevance aussi modeste, accomplit, à coup sûr, une besogne qu’aucun particulier ne saurait entreprendre, à moins d’y apporter un désintéressement peu commun.

Pour les articles chers et, d’une manière générale, pour les bijoux, le mont-de-piété pourrait se contenter d’un intérêt de 4 à 4 1/2 pour 100, à la condition de faire payer 15 ou 20 pour 100 aux nantissemens divers, tels que linge, rideaux, lits de plume, violons on bicyclettes ; celles-ci, au nombre de plus de 1000. Le mont-de-piété de Berlin suit ce procédé, plus commercial que charitable : il prend 12 pour 100, sur les prêts supérieurs à 37 fr. 50, et exige 24 pour 100 sur les prêts inférieurs à cette somme, c’est-à-dire sur toutes les pauvres choses, indispensables à la vie, dont les emprunteurs, pour vivre, ont cependant dû se séparer.

Le séjour de ce matériel hétéroclite est parfois singulièrement prolongé : il a été vendu, en 1895, douze serviettes engagées pour 8 francs en 1853. Un emprunt de 30 francs a été renouvelé pendant un demi-siècle. En ce moment, les magasins du dépôt principal abritent encore un parapluie, appartenant à la petite-fille d’un ministre du roi Louis-Philippe, laquelle paie, depuis vingt-cinq ans, le loyer onéreux de cet ustensile.