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trouve convertie en pure défensive, nos forces étant moindres que celles qui nous sont opposées et qui montent à 64 000 hommes depuis Rheinfelden jusqu’à Rastadt. Le général Wurmser, qui les commande, a, dit-on, l’ordre de passer le Rhin incessamment, et déjà presque tous ses préparatifs sont faits. On nous menace en même temps d’une invasion du territoire suisse de la part des émigrés. Nous prenons nos mesures en conséquence. J’avais pensé que vos collègues, qui étaient à Râle au moment où l’ennemi a reçu ces renforts, vous en auraient fait part. Vous voyez donc, citoyens représentans, que les secours que l’ennemi s’est donnés devant le général Jourdan ne viennent point du haut Rhin.

« Il n’en est pas moins vrai que le général Jourdan éprouve de très grandes difficultés pour son passage. J’ai le projet de les diminuer par une diversion sur le centre où l’ennemi s’est singulièrement affaibli : j’ai en conséquence donné des ordres pour faire à Oppenheim les préparatifs d’un passage qui aura lieu incessamment, si nous pouvons nous procurer les chevaux nécessaires pour le transport de l’équipage ; de pont ; et, quand on ne parviendrait qu’à jeter douze ou quinze mille hommes sur le Darmstadt, il y en aurait assez pour s’y maintenir jusqu’à ce que l’ennemi eût détaché des forces de sa droite ou de sa gauche, ce qui remplirait parfaitement le but de la diversion. Nous pourrions d’ailleurs profiter de ce moment pour sommer la place de Mannheim, que nous serions dès lors dans le cas de bombarder, d’après les articles de la capitulation de sa tête de pont[1]. »

L’avant-veille, le représentant Rewbell, qui se trouve au quartier général de l’armée de Rhin-et-Moselle, a déjà prévenu le Comité du mouvement des Autrichiens et de la position difficile dans laquelle se trouve Pichegru. Ils se sont dégarnis à leur centre pour porter leur effort tout à la fois sur Sambre-et-Meuse et sur le haut Rhin. Ils accumulent surtout leurs forces vers Rheinfelden et Râle, et l’on peut craindre que, pour faciliter leurs opérations, ils ne violent le territoire suisse. « Alors le haut Rhin serait entièrement ouvert à l’ennemi, qui attaquerait sur différens points… Il menacerait Huningue, Brisach et Belfort ou même temps. Il faut donc du temps à Pichegru pour résister à

  1. On peut se convaincre, par cette lettre et les suivantes, que le plan d’un passage à Oppenheim suivi d’une marche dans le Darmstadt et de la prise de Mannheim fut conçu par Pichegru et non par le Comité de Salut public, comme l’affirme Louis Blanc sur la foi du maréchal Jourdan.