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de si grands efforts, et tout ce qu’il a de disponible maintenant est du plus exigu. »

De ces citations, il résulte que, si Pichegru hésite encore à tenter le passage du Rhin, c’est qu’il ne dispose que d’effectifs insuffisant et qu’il sait combien sont supérieurs ceux que l’ennemi a massés sur l’autre rive. Ses hésitations, qui lui seront reprochées plus tard et que ses accusateurs présenteront comme une preuve de sa trahison, sont si fondées que Jourdan les partage et représente au Comité « que Pichegru aura beaucoup de peine à aborder sur la rive droite en présence des forces concentrées devant lui, manquant de moyens de transports pour ses équipages de pont. » Aussi les instructions du Comité de Salut public deviennent-elles de moins en moins positives. « Notre désir n’est point assez vif pour que nous fassions de cette opération une instruction militaire, ni moins encore un ordre absolu. Eloignés du théâtre de la guerre, ne le connaissant point en détail, ne connaissant ni vos forces, ni celles de l’ennemi, ni vos moyens respectifs, nous aurons toujours la sagesse de nous en reposer et sur nos collègues, dont le zèle nous est connu, et sur des généraux qui ont aussi bien mérité et justifié notre confiance que les généraux Jourdan et Pichegru. »

Plus heureux que Pichegru, mieux placé pour recevoir de Hollande ses équipages de pont et disposant d’un effectif plus considérable, Jourdan passe le Rhin le 6 septembre, non loin de Dusseldorf, et s’empare de cette ville. Elle ouvre ses portes à la première sommation. Mais, pour que ce brillant succès porte tous ses fruits, il faudrait que, par de sérieuses démonstrations, Pichegru, agissant de son côté, pût retenir l’ennemi dans le Brisgau et l’empêcher de se porter en forces contre Jourdan, qu’il veut contraindre à retourner sur la rive gauche. Or, avant même que lui soit parvenue la nouvelle du brillant succès remporté par Jourdan, le Comité de Salut public a été averti par Bacher, son agent de Bâle, que les Autrichiens ont amené dans le Brisgau des renforts considérables sans affaiblir l’armée qu’ils opposent à celle de Sambre-et-Meuse. Cet avis est confirmé, le 1er septembre, par Pichegru. Il faut donc remanier le plan primitif.

« Cette circonstance, mande le Comité à Pichegru, à la date du 12, paraissant devoir vous faire renoncer à l’offensive dans cette partie, il est instant de la rejeter contre le centre des