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aussi dans ce pays où existe, comme chez nous, la réglementation du vice, au genre d’apostolat qui a rendu célèbre en Angleterre le nom de Joséphine Huiler. On touche ici un sujet périlleux, celui de la « traite des blanches » qui, dans nos congrès de France, a été développé avec un luxe de détails tout au moins inutile, puisque le simple vœu d’une morale unique pour l’homme et pour la femme, telle que la religion est seule à l’exiger, en dirait assez. Et c’est l’avis de ce qu’on appellera probablement la pruderie, l’hypocrisie anglaise, car la duchesse de Bedford intervient pour dire que la disposition à s’étendre sur de pareils sujets lui semble trahir une curiosité malsaine, les tendances morbides du temps présent. Ces tendances apparaissent, dit-elle, même dans les remèdes proposés pour guérir le mal.

La leçon ainsi donnée porte ses fruits. Tout ou presque tout ce qui traite de la prostitution a été publié à part, en dehors des sept volumes de Transactions. Cette brochure détachée arrive, bien entendu, à ceux qui en font la demande, mais une pareille précaution est caractéristique de la conduite prudente et mesurée dont le Congrès international de Londres ne s’est jamais départi. L’action la plus utile que puissent exercer les femmes en si délicate matière consiste à préserver leurs sœurs pauvres. C’est pourquoi les œuvres internationales pour la protection de la jeune fille ont une très grande importance. Personne n’ignore qu’un commerce immonde, savamment organisé, fait des filles, qui cherchent au loin le moyen de gagner leur vie, une marchandise souvent inconsciente, expédiée dans les grandes villes, vers l’infamie. Il est donc bon que, d’autre part, un réseau d’agences défende ces pauvres voyageuses contre les dangers de l’ignorance. En Suisse, l’organisation internationale s’est formée sous une influence protestante d’abord ; son exemple a fait naître la société catholique dont le siège est à Fribourg, et les deux œuvres marchent de front amicalement ; sur le terrain de l’action sociale chrétienne, la concurrence devient chose sainte.

Le bureau de Fribourg est assisté d’un conseil international, composé des représentons de différens pays européens, soumis à l’office central et constituant des comités nationaux, régionaux ou locaux. Tous les trois ans, un congrès rassemble les membres de ces comités, tantôt dans un pays, tantôt dans un autre. L’œuvre a pénétré déjà en Asie, en Amérique, elle a établi des