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en Allemagne, tant du côté des professeurs que de la part des étudians. L’Université est accessible aux femmes en Danemark depuis 1875, et cependant 156 étudiantes en tout ont reçu leurs diplômes. Elles ambitionnent généralement celui qui ouvre aux hommes la carrière de l’enseignement supérieur dans les écoles publiques ; ce n’est pour elles, au surplus, qu’une attestation de mérite, l’instruction supérieure des filles se poursuivant dans des écoles particulières. Le féminisme ne semble donc pas très avancé dans ce sage et paisible petit pays ; mais en revanche le sentiment de la liberté individuelle y est beaucoup plus développé que chez sa puissante voisine la Prusse, de sorte que ceux-là mêmes qui auraient peu de sympathie pour la question complexe des droits de la femme estiment qu’en tant qu’individu, celle-ci peut essayer tout ce qu’elle veut. En Autriche, l’éducation supérieure des femmes a la haute approbation de l’Empereur ; en Italie, l’éducation publique des filles ne diffère pas de celle des garçons ; c’est-à-dire qu’après avoir reçu la même éducation primaire, la jeune fille peut à son gré aborder l’école supérieure des filles, l’école professionnelle ou le gymnase, et ensuite les cours libres de l’université.

De cette revue des diverses universités européennes, il résulte, en somme, que les barrières seront renversées dans un délai plus ou moins long. Il n’y a qu’à prendre patience, selon l’admirable conseil de miss Lumsden, qui, reléguant à leur rang les diplômes et autres distinctions dont la seule valeur est d’aider pratiquement dans la bataille de la vie celle qui les possède, rappelle qu’au fond il s’agit pour les étudiantes d’apprendre, le savoir étant « premier et non second, » selon le mot de Tennyson ; apprendre et se montrer fidèle aux antiques traditions de dévouement désintéressé envers la science, à la simplicité de la vie, à la pureté des intentions, à la poursuite constante d’un but moral. Voilà l’essentiel ; jeter le poids de l’influence féminine dans le bon plateau de la balance, protester contre les côtés méprisables d’une prétendue civilisation : vanité, amour-propre, ambitions vulgaires de toute sorte. Ce sera là vraiment aider les universités à accomplir leur lâche la plus noble. Pour le reste on peut attendre.

Lecture est encore faite de rapports curieux sur les universités des colonies anglaises. Le Canada, si conservateur qu’il soit, compte depuis dix-sept ans des bachelières et des licenciées.