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émissaires consistait à établir la vraisemblance de leurs premiers dires, dont aucun n’avait été suivi d’effet.

Quant à Pichegru, s’il s’était montré disposé à favoriser la cause royale, il entendait le faire à son jour et à son heure. Malgré les incitations de Condé, il n’y voulait pas employer l’étranger, convaincu d’ailleurs que des victoires lui donneraient seules le prestige indispensable à l’accomplissement de ses projets. C’est donc après la victoire qu’il ne cessait de courir. S’il ne lui fut pas donné de l’atteindre, ce n’était pas faute de la vouloir. On touchait à la fin de l’armée 1795. Les belligérans restaient sur leurs positions, épuisés les uns et les autres, ayant, également besoin de repos, les Français résolus à ne pas l’avouer, les Autrichiens plus disposés à le reconnaître, d’autant plus disposés que, depuis quelques jours, leur adversaire reprenait des avantages.

En ces circonstances, dans la seconde quinzaine de décembre, surgit de leur part une proposition d’armistice. Ils étaient si visiblement intéressés à la faire aboutir, et elle devait leur procurer de si sérieuses améliorations, que les accusateurs de Pichegru n’ont pas manqué de prétendre que, désireux de seconder l’ennemi, il s’empressa de lui accorder une suspension d’armes. Mais, ici encore, comme pour la capitulation de Mannheim, les faits contredisent cette affirmation. Ils établissent que l’armistice fut d’abord accepté par Jourdan, et que Pichegru se trouva engagé par la conduite de son camarade. Il n’est pas de doute possible à cet égard.

Le 18 décembre, Kray, le général autrichien que le général Marceau a vaincu la veille dans une rencontre, lui envoie un parlementaire aux avant-postes de l’armée de Sambre-et-Meuse et sollicite de lui une conférence. Avant de répondre, Marceau demande à Jourdan des instructions et des ordres. Jourdan autorise la conférence. « Puisse-t-elle nous amener des quartiers d’hiver ! » s’écrie-t-il. Elle a lieu le lendemain. La cessation immédiate des hostilités y est décidée, en attendant qu’on ait pu s’entendre sur les conditions de l’armistice, qui est admis en principe,

Jourdan, le même jour, prévient à la fois Pichegru et Kléber. « Les besoins trop urgens de nos deux armées, dit-il à Pichegru, m’engagent, mon camarade, à saisir cette occasion pour essayer d’améliorer leur sort et pour leur donner le temps de se refaire,