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Tu en sais trop sur cet article pour que je t’en dise davantage. Je t’engage donc à te dépêcher de faire un arrangement pour ton compte et à m’en faire connaître promptement le résultat pour que je puisse arrêter positivement ce qui me concernera. Cela te sera d’autant plus facile que le général Marceau est convenu avec le général Kray qu’il ne pouvait exister d’arrangement pour une seule armée, qu’au contraire, il devait être commun à toutes celles qui sont sur le Rhin. Je ne peux pas présumer que nous serons blâmés par le gouvernement. Il connaît notre situation et, par conséquent, notre impossibilité absolue d’agir avec avantage. »

À Kléber, Jourdan avoue avec plus de force encore combien la proposition des Autrichiens lui semble opportune et précieuse pour les armées du Rhin. « L’ennemi désire ses quartiers d’hiver. Nous en avons besoin nous-mêmes au moins autant que lui. Cachons cependant nos désirs, afin qu’il n’en tire aucun avantage. Je ne sais si le gouvernement me blâmera. J’aurai du moins la satisfaction d’avoir fait le tout pour le bonheur et la conservation de l’armée. Il sera question de l’armée de Rhin-et-Moselle dans notre traité. Tu sens bien que je ne peux rien faire sans qu’elle y participe. Je t’embrasse. »

Ainsi, Jourdan souhaite l’armistice et prend seul la responsabilité du consentement que, dès le 20, il donne à la proposition autrichienne. Deux jours plus tard, doutant encore de celui de Pichegru, il insiste pour l’obtenir : « Malgré les propositions du général Kray, je n’ai pas voulu traiter pour rien de ce qui peut regarder l’armée que tu commandes. Je me suis seulement engagé à faire cesser de ta part toute hostilité, en attendant que tu aies pris des arrangemens pour ce qui te concerne, ce que je t’engage à faire promptement, parce que ma convention n’est que provisoire en attendant que tu aies définitivement traité. Le bien de l’humanité et le désir qu’on doit avoir de procurer aux soldats du repos dans une saison aussi dure m’ont engagé à prendre ce parti. Je ne peux que t engager à en faire autant. »

Si pressantes que soient ces incitations, Pichegru, à qui Wurmser transmet au même moment une proposition analogue à celle qu’a reçue Jourdan, refuse d’y répondre avant d’avoir consulté Rivaud, le commissaire accrédité auprès de son armée. Le 25, Rivaud l’autorise à traiter. « Sans connaître, citoyen général, les motifs, qui ont pu faire suspendre les hostilités entre