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bon Binder. Elle réussit moins encore, ne pouvant pas invoquer son propre exemple. Cependant, comme la police vient s’informer si Louise est chez Winter en qualité de gouvernante, — à Berlin, paraît-il, la police a encore de ces curiosités-là, — le couple ira voyager…

La Débâcle (Eisgang) nous montre, au premier acte, la mort subite du chef de famille, un propriétaire du nom de Tolzlaff, qui souffrait d’insomnie et de troubles nerveux. Dans les actes suivans, Hugo et Grete, son fils et sa fille, se débattent contre les difficultés de leur situation, et contre les tentatives d’accaparement de leur oncle Leidigkeit, lequel leur a offert le concours de son expérience, médite de les marier et ne réussit guère qu’à leur attirer des difficultés nouvelles. A la fin, Hugo, découragé, meurt dans la débâcle des glaces que la rivière charrie chaque année aux approches du printemps. C’est la simple représentation d’un petit groupe social, dans l’exercice de son activité, en un moment où les circonstances lui sont défavorables : un fait divers, avec ses ramifications, mis en dialogue, et d’ailleurs, il faut le dire, en dialogue excellent ; ou, si l’on veut, une étude, un « carton » qui semble plutôt préparer des œuvres futures que constituer en soi une œuvre complète et vivante.

J’ignore l’impression que de telles pièces produisent à la représentation. A la lecture, elles démontrent bien clairement que les gens auxquels il n’arrive rien n’ont pas d’histoire. Ce n’est pas une raison parce qu’on est homme pour qu’on soit un personnage littéraire, de même qu’il ne suffit pas d’être député, ni même ministre, pour devenir un personnage historique. Il faut être porté par les événemens, qui seuls nous permettent de déployer nos caractères avec la force représentative, avec le relief dont l’art a besoin.

Ces événemens, — est-ce autre chose, après tout, que l’action ? — M. Halbe les cherche quelquefois sans les trouver tout à fait. C’est ce qui lui est arrivé récemment dans le Millenium (das Tausendährige Reich), qui aurait pu être excellente, qui promet de l’être au premier acte, qui le redevient par momens dans les actes suivans, mais qui dévie trop souvent dans une certaine incohérence.

La scène se passe à l’époque révolutionnaire de 1848, dans un village. Le forgeron Drews est une façon d’illuminé, à qui la