Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les péripéties que le dénouement résout dans un sens heureux ou malheureux. Cette idée, qui est celle du « public » et que Francisque Sarcey a défendue pendant quarante ans, a été au contraire combattue avec énergie par les représentais des nouvelles écoles, en France aussi bien qu’en Allemagne, au Théâtre-Libre aussi bien qu’à la Freie Bühne : ils ont prétendu que la simple représentation de la vie suffit à l’art dramatique, sans que l’auteur ait besoin d’intervenir en fabriquant des intrigues factices, des péripéties illogiques, des dénouemens artificiels ; et quelques-uns des succès de leur répertoire ont paru leur donner gain de cause. Je n’ai point l’intention d’entrer dans ce débat, qui n’a peut-être pas l’importance qu’on lui a prêtée. : car la question n’est pas d’avoir raison dans la théorie, mais de produire des chefs-d’œuvre. Or, M. Max Halbe, qui a débuté dans les colonnes et, je crois, sur la scène de la Freie Bühne, s’est rattaché à la seconde de ces conceptions, — avec laquelle il a cependant rompu, peut-être sans le savoir, dans celles justement de ses pièces que nous regardons comme les meilleures. Mais les premières ne sont vraiment que des descriptions d’un petit groupe social. Amour libre, par exemple, bien que le titre paraisse promettre une thèse, nous montre simplement un couple irrégulier, qui n’est pas très heureux : Ernest Winter pourrait très bien épouser Louise Horn, dont il a fait sa compagne. S’il ne l’épouse pas, ce n’est pas pour épouser Alice Hagen, avec laquelle il flirte de temps en temps : c’est parce qu’il ne » veut pas se marier. L’institution du mariage lui fait horreur, parce qu’elle avait mal réussi à ses parens ; et il explique, ou plutôt il exprime cette horreur, par des exclamations, à son ami Binder qui essaye de le chapitrer.

BINDER. — Ernest, tu as des devoirs envers Louise… Tu dois l’épouser.

WINTER désespéré. — Mais je ne PEUX pas ! je ne PEUX pas !

BINDER. — Pourquoi donc ?

WINTER. — Je ne peux pas, simplement… Se marier ! Oh !… Effroyable !

Le couple s’en va donc cahin-caha à travers la vie, plutôt péniblement, sous l’œil affligé du bon Binder. De petits incidens surgissent, qui soulignent la position pénible de Louise, qui sont même fort désagréables à Winter. N’importe : il a son idée, il n’en démord pas. Et puis, il flirte avec Alice, qui se contenterait assez bien, semble-t-il, de la place de Louise, mais qui ne l’aura pas. À la fin, Mme Winter, la mère, reprend le thème du