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propres ouvriers ? Le travail étranger peut aider utilement le travail français, il ne doit pas le supplanter. Jamais encore grève n’avait éclaté pour un pareil motif. Celle-ci, qui a eu tout de suite les faveurs du maire de Marseille, M. Flaissières, laissait-elle le gouvernement sans moyen d’action ? Non, assurément. D’abord, le syndicat international est, d’après les renseignemens apportés à la tribune par M. Thierry, organisé dans des conditions illégales ; ensuite, le gouvernement a des droits particuliers sur la police des étrangers en France. Mais, suivant sans doute les inspirations du maire de Marseille, M. le préfet des Bouches-du-Rhône ne s’est pas montré moins complaisant que lui envers le syndicat international et ses ressortissans. La grève s’est généralisée. Le fonctionnement du port de Marseille a été complètement arrêté ; on n’a pu ni y charger, ni y décharger les navires ; on a vu alors ceux qui devaient s’y arrêter continuer leur roule, les uns vers l’Italie, les autres vers l’Angleterre. Nous voulons croire que les ouvriers italiens, si nombreux à Marseille, n’ont songé qu’à leurs intérêts professionnels en provoquant la grève, mais ils ont rendu au port de Gènes, c’est-à-dire à leur pays, un service égal au préjudice qu’ils nous causaient. En peu de temps, plusieurs des industries qui faisaient vivre le port de Marseille, ou qui vivaient de lui, se sont ralenties ou arrêtées. Les raffineries de sucre se sont fermées. Les arrivages qui devaient venir du dedans comme du dehors ont été contremandés. Une perte en partie irréparable a été consommée. Et ce n’est qu’un début. Quelques jours ont suffi pour produire ces conséquences : que sera-ce si la grève se prolonge ?

Le gouvernement dit à cela ce qu’il dit toujours en pareil cas, à savoir qu’il n’y peut rien. Nous croyons au contraire qu’il y aurait pu quelque chose, mais qu’assurément il y peut moins qu’un autre. Rien ne parle plus fortement à l’esprit des foules que les leçons de choses, et c’est une terrible leçon de choses qu’on a donnée aux ouvriers par la seule composition du cabinet actuel. On les a habitués à la pensée qu’ils avaient, sinon un ministère, du moins un ministre à eux, et ils savent fort bien que ce ministre est le véritable maître de la situation. Le jour où il serait mécontent, le cabinet disparaîtrait. Cela suffit à expliquer leur audace. Néanmoins la Chambre a donné, une fois de plus, un vote de confiance à M. Waldeck-Rousseau. Ce n’est pas ce vote qui découragera les grèves de Montceau et de Marseille, et qui y mettra fin.

En Espagne, la crise ministérielle s’est dénouée par le retour des