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qu’Elle. » Le Roi, d’ailleurs, « souhaite de bonne foi que mon dit Sieur de Munster fasse des miracles avec son armée et celle de M. de Cologne, mais il ne lui enverra pas les 2 000 chevaux ; ni les 4 000 hommes de pied, pour les exposer à être sûrement battus ! » Que le prélat patiente jusqu’à la mi-juillet : « Quand une fois les armées du Roi seront sur les bords de l’Yssel, il pourra entreprendre tout impunément ; et la terreur aura tellement troublé l’esprit des gens auxquels il aura affaire, » qu’il aura loisir, sans nul risque, « de s’en aller en maraude et de se donner tout entier à tirer de l’argent[1]. »

Ces bonnes paroles, ces brillantes perspectives, produisent quelque effet sur Galen. Il est, dit-il, résigné à attendre. L’électeur de Cologne et l’évêque de Strasbourg sont d’accord avec lui. Tous trois maintenant prodiguent à Luxembourg leur confiance et leur sympathie, l’honorent même « du deux nom de frère, » et lui confèrent, avec la permission du Roi, le titre de feld-maréchal, le commandement en chef de toute l’armée alliée[2]. Le 2 avril, l’esprit désormais plus tranquille, Luxembourg se rend à Dorsten auprès de l’évêque de Munster, pour régler avec lui certains points de détail. Quelles ne sont pas sa surprise et sa désillusion de voir que tout est à refaire, et qu’il n’a rien gagné sur l’obstiné prélat ! « J’en reviens cette fois si rebuté, s’écrie-t-il, que j’aimerais mieux être aide de camp du plus nouvel officier général de France que d’essuyer tout ce qu’il faut que j’essuie !… L’évêque, continue-t-il, s’est mis en tête de fortifier un village qu’il a dans le pays de Brunswick, soutenant que cela fera une diversion. Il a parlé là-dessus une journée entière sans vouloir écouler personne. Enfin, malgré qu’il en eût, je lui ai soutenu que cela nous attirerait toute l’Allemagne sur les bras ; et, après une autre demi-journée à ne parler que là-dessus, il s’est désisté de son opinion. » Le lendemain, fantaisie nouvelle : « Ce n’est que de prendre Amsterdam ; et il traite cela comme une chose si faisable, qu’il m’a juré qu’il ne dirait pas, pour cent mille écus, à M. de Louvois, le moyen (pi il en a. Il a mille desseins de cette sorte[3] ! »

Ces folles divagations ne font que redoubler dans les semaines

  1. Lettres des 7 et 17 mars 1672. — Arch. de la Guerre.
  2. Histoire de la maison de Montmorency, par Désormeaux. — Lettre de Louvois du 21 mars 1872. — Arch. de la Guerre.
  3. Luxembourg à Louvois, 3 avril 1672. — Arch. de la Guerre.