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cruel, le plus ingénieux, le plus spirituel, le plus civilisé qui fût en Europe. Les femmes avaient leur part de ce bien. Plus instruites que les hommes jusqu’à la fin du moyen âge, elles disputèrent avec eux la primauté de l’érudition que mit en honneur la Renaissance, et celles qui illustrèrent leur sexe au XVIIe et au XVIIIe siècle ne sont que les plus illustres exemples de sa culture générale. Elle apparaît à quiconque a lu dans des papiers de famille les souvenirs ou les lettres d’aïeules oubliées. Bourgeoises ou grandes dames, elles parlent une langue précise et forte en sa grâce, connaissent souvent le latin, parfois le grec, toujours la philosophie, sont familières avec les sciences sérieuses. Si elles prennent un peu d’aises avec l’orthographe, en cela elles devancent leur temps ; et le nôtre ne saurait leur en faire grief, puisque aujourd’hui il n’y a pas plus de règles pour les mots que pour les idées, et que la plus certaine des libertés octroyées par la troisième République est la liberté de la grammaire.

La science donc est ancienne : il n’y a de nouveau que la sollicitude de l’État pour elle. Il a commencé depuis la Révolution française à faire pour l’homme, et depuis vingt ans à faire pour la femme, ce que l’Eglise, éducatrice du peuple, faisait depuis les origines de la nation.

D’ailleurs, si la vérité contraint à combattre les usurpations que la flatterie niaise tente au profit du gouvernement actuel sur la part glorieuse du passé, la vérité commande de reconnaître qu’un effort considérable en faveur du savoir a été accompli de nos jours par l’État ; que l’enseignement supérieur sort de la léthargie ; que des tentatives persévérantes se sont succédé pour distinguer, dans l’enseignement secondaire, ce qui suffit à instruire un homme et ce qui est nécessaire à former un lettré ; que l’enseignement primaire a été doté avec magnificence. Elle oblige à reconnaître que, dans cette vaste entreprise, l’initiative la plus hardie, l’exécution la plus rapide, l’intérêt le plus attentif ont été mis au service des femmes ; que l’État, comme soucieux de réparer envers elles un long oubli, a tout à la fois formé un personnel pour leur donner partout l’enseignement primaire, créé de toutes pièces un enseignement secondaire, et attiré la curiosité féminine vers l’enseignement supérieur. Elle ordonne de ne pas contester à l’Université de rares mérites : formés par l’État, les maîtres se montrent, dans les écoles primaires, bien instruits des commencemens qui sont le tout du savoir pour la multitude et