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avoir unies en une synthèse puissante, elle leur demandait le secret de sagesse et de bonheur qu’elles doivent apprendre au genre humain. C’est quand cette pensée semblait apporter au monde une intelligence nouvelle de la vie.

Le plus puissant et le plus durable de ces efforts a été celui de la science chrétienne. Au moment où la foi nouvelle s’établit dans le monde, les génies de la Grèce et de Rome avaient formé d’esprit humain à toutes les sortes de connaissances. Et une multitude de rhéteurs, de philosophes, de savans, excellaient à transmettre la leçon des grands maîtres. Mais cette leçon perpétuait le paganisme, son intelligence égoïste et cruelle de la vie, le crime de l’esclavage, l’avilissement de la femme, le mépris du pauvre. Les Pères de l’Église, si admirateurs que plusieurs d’entre eux fussent du génie antique, pensaient que l’essentiel n’était pas pour la société d’avoir les hommes les mieux dressés à bien dire, mais à bien faire, les plus purs de goût, mais de mœurs. Ils n’hésitèrent pas à déconseiller la lecture des chefs-d’œuvre et la fréquentation des écoles renommées, parce que, y apprît-on la vérité sur tout le reste, on y apprenait le mensonge sur le devoir. Et, sans pitié pour le délicat et superbe instrument de savoir qu’ils brisaient, ils mirent le monde à la rude école des moines et des théologiens.

Si la Renaissance eût été seulement une découverte de terres inconnues et d’arts oubliés, une rencontre de la richesse que donnait le nouveau monde et de la beauté que redonnait le monde antique, un accroissement du savoir humain, elle n’eût pas fait tressaillir d’une telle émotion lame des peuples. Mais elle opposait, à l’austérité du catholicisme une autre intelligence du monde terrestre, à la tristesse de vivre la joie de vivre. Et c’est pourquoi, si florissantes que fussent les Universités fondées par le moyen âge, si renommés que fussent leurs docteurs, les humanistes de la Renaissance firent la guerre à ces écoles. Partisans du savoir, ils tenaient plus encore à répandre par l’enseignement leur intelligence de la destinée humaine.

La Réforme, qui remettait à chaque chrétien le spin de trouver lui-même sa croyance dans la Bible, était plus intéressée encore à répandre l’instruction et à avoir partout des écoles. Elles existaient en grand nombre, mais catholiques. Les hérésiarques en ordonnent la fermeture. Mieux vaut pour le peuple l’ignorance qu’un savoir où il puiserait l’erreur sur la question la plus essentielle.