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Le XVIIIe siècle salue dans la raison la grande puissance de l’homme. Aimer la raison, c’est aimer le savoir qui l’éclairé. Or, l’enseignement, au XVIIIe siècle, abonde en France. Des libéralités séculaires ont accumulé les ressources, les ordres religieux assurent la perpétuité des chaires, un d’eux surtout a manifesté pour l’éducation une aptitude singulière et renouvelé les méthodes. Mais le XVIIIe siècle ne s’est pas seulement occupé de perfectionner chacune des sciences où s’est appliqué son effort. Il a tiré de ces travaux divers une conclusion commune : c’est que la raison ni la science ne rencontrent l’hypothèse religieuse, ni n’ont besoin d’elle ; que par suite la foi est une superstition, ses espérances des mensonges, ses dogmes des servitudes ; et que se détacher d’elle est le commencement de toute liberté. C’est pourquoi les philosophes, amis de la science et apôtres de la liberté, n’ont de cesse qu’ils n’aient supprimé, avec les Jésuites, cet enseignement où il est le plus prospère et par suite le plus dangereux. Et c’est pourquoi la Révolution française achève, par la dispersion des ordres religieux, la ruine de tout l’enseignement, à l’heure même où elle donne à tout citoyen la souveraineté politique.

Dans toutes ces évolutions de la pensée humaine, le même fait est constant. Aucune religion, aucune philosophie ne tient pour le plus grand intérêt de développer la science, mais de servir une doctrine. Toutes considèrent que le plus important n’est pas ce que l’homme sait, mais ce qu’il croit.

Napoléon innova. A l’énergie des doctrines qui s’excluent il veut substituer la patience des doctrines qui se tolèrent. L’expérience de l’athéisme venait de prouver combien était urgent de restaurer la vieille morale, et le moyen le plus sûr de la rétablir eut été de rendre l’enseignement à l’Eglise. Mais Napoléon n’aimait pas les forces indépendantes, il voyait la haine religieuse survivre à toutes les déceptions comme à toutes les palinodies du parti révolutionnaire, et se rendait compte que les avantages faits à l’Eglise soulèveraient les seules énergies survivantes de la démagogie. De là l’Université impériale, qui eut monopole pour répandre, outre les divers détails des sciences, les croyances utiles aux sujets et à l’Etat. L’éternité de Dieu, l’immortalité de l’âme formèrent la base de ces croyances : mais elles ne furent pas affirmées au nom d’une révélation surhumaine, elles furent affirmées au nom d’une vraisemblance philosophique. Napoléon