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redoute de continuer à remettre le choix du chef spirituel de son peuple à un patriarche résidant, en Égypte, et. par conséquent, soumis à des influences britanniques, c’est vers le catholicisme supra-national et vers son chef respecté, que, sans doute, il portera son hommage.

Appelant vers la commune bergerie, avec les accens d’un tendre pasteur, les chrétientés séparées et poursuivant cette œuvre grandiose de l’ « union des églises, » qui a été l’un des espoirs de sa vie, Léon XIII, naturellement, tourna ses regards vers ce troupeau isolé et comme oublié qui, si longtemps, avait bravé dans ses montagnes l’effort des Infidèles. Le moment parut bien choisi pour envoyer vers le Négus victorieux une mission apostolique qui entrerait en relations avec lui, étudierait les moyens de préparer l’union des églises et, du même coup, travaillerait à la sainte tâche de la pacification et tenterait d’obtenir, de la générosité de Ménélik, le retour des prisonniers dans leur patrie.

Comme l’Église éthiopienne reconnaît la suprématie du patriarche copte schismatique d’Alexandrie, l’on se laissa facilement persuader à Home, sur la foi de Mgr Sogaro, vicaire apostolique du Soudan, et sur la recommandation instante de la diplomatie autrichienne[1], que le choix du patriarche copte catholique, Mgr Macaire, serai ! de nature à favoriser le succès de la mission confiée au représentant du Saint-Siège. Les circonstances, au contraire, tirent une cause d’échec de ce qui apparaissait, de loin, comme un élément de succès. L’Ethiopien a, pour le Copte, le plus profond mépris : il le qualifie de « bâtard d’Arabe, » il le regarde comme le descendant d’une race inférieure, émasculée par une longue servitude. Ce préjugé traditionnel étail capable, à lui seul, d’amoindrir, dans l’esprit prévenu du souverain et des populations, le prestige de l’envoyé du Souverain Pontife. La venue d’un légat, voyageant dans un équipage convenable à son rang et à la haute autorité qu’il représente, eût été considérée comme un honneur et n’eût, pas manqué de produire une profonde impression sur un peuple à l’imagination vive que séduisent les spectacles pompeux, les vêtemens splendides, et qu’émeut l’appareil de la puissance. Au contraire, l’arrivée, dans l’accoutrement d’un pèlerin mendiant, de cet

  1. On sait que l’Autriche a hérité de Venise le protectorat des coptes catholiques.