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évêque quasi nègre, mal velu, chiche de cadeaux et avare d’argent, passa presque inaperçue, quand elle ne provoqua pas les railleries. En outre, le séjour dans son pays d’un protégé de l’Autriche qu’il savait alliée de l’Italie, inspirait au Négus la crainte qu’une intrigue politique ne se cachât sous les apparences d’une mission religieuse.

Malgré tout, Ménélik reçut Mgr Macaire avec les honneurs dus à un évêque, lui fit don d’une belle croix en échange de la pauvre image que, pour tout présent, il avait reçue de lui et, désireux de témoigner de son respect pour le Souverain Pontife, il consentit à délivrer à son envoyé un certain nombre de prisonniers italiens ; mais cet étrange diplomate répondit aux bonnes intentions du Négus en alléguant la pénurie de ses ressources et en demandant que le trésor éthiopien pourvût aux frais de voyage et la nourriture des prisonniers rapatriés, si bien que Ménélik dut garder ses captifs et les rendre, plus tard, directement au roi d’Italie ; un seul d’entre eux accompagna Mgr Macaire, un Italien dont la mère avait écrit à Ménélik pour le conjurer, au nom de la Madone, de lui rendre son fils ; encore l’empereur, heureux d’accéder à cette touchante prière, dut-il consentira subvenir aux dépenses de route du prisonnier libéré.

L’échec de la mission de Mgr Macaire n’est qu’un accident réparable dans l’histoire des relations de l’Ethiopie chrétienne avec l’Eglise catholique ; il a montré de quelles erreurs il est nécessaire de se garder, si l’on veut éviter de pénibles mécomptes dans ces négociations délicates où l’on risque à chaque instant d’émouvoir les susceptibilités les plus légitimes d’un souverain ou d’un peuple. Le catholicisme compte de hautes sympathies parmi les importans personnages de l’entourage de Ménélik ; l’empereur lui-même, jaloux avant toute chose de son indépendance absolue, n’est pas sans pressentir que le fait de rat tacher sa petite église nationale à l’édifice grandiose de l’Eglise catholique serait de nature à procurer à son peuple des sympathies précieuses et à lui donner définitivement droit de cité parmi les nations civilisées. Mais une telle métamorphose, qui engage tout l’avenir d’une race, ne saurait être que l’effet du temps et d’efforts patiemment renouvelés et prudemment conduits. Les missionnaires français, lazaristes en Ethiopie, et capucins au Harrar, travaillent là-bas à ajouter une page nouvelle à l’histoire déjà longue des batailles livrées pour la foi sous l’égide de la