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et Retz était du nombre ; la preuve en est qu’il plaisait aux femmes.

Tandis qu’il contemplait son œuvre dans son quartier de Notre-Dame, où chacun se préparait à la bataille, les pères avec leurs mousquets, les petits enfans avec leurs petits couteaux, Mademoiselle profitait de ce que les communications étaient libres entre les Tuileries et le Palais-Royal pour se rendre chez la Régente. Elle y était quand le Parlement vint réclamer Broussel et emporta un refus indigné. Elle y était encore quand il reparut, bien malgré lui, pour signifier à la reine, de par le peuple, que Paris « voulait monsieur de Broussel[1]. » Tandis que Mathieu Mole s’expliquait avec Anne d’Autriche, un parlementaire, inconnu à Mademoiselle, lui parlait politique d’un ton qui lui ouvrait les yeux sur les dispositions de la magistrature française. Elle regarda sortir les « longues robes, » après que la reine eut promis de rendre Broussel, et leur trouva un air étrangement fier. Il fut clair pour elle que tout cela n’était qu’un commencement.

Les barricades disparurent le lendemain, au retour de Broussel ; mais la population restait nerveuse. Il suffisait du bruit le plus absurde, d’un passant criant que la régente préparait une seconde Saint-Barthélémy, ou que la reine de Suède était à Saint-Denis avec son armée, pour que les mousquets partissent tout seuls dans les rues. Il s’élevait alors un grand brouhaha et la populace se mettait à piller, puis tout s’apaisait jusqu’à la prochaine fois. La nuit, les alertes étaient continuelles. Le 30 août, Mademoiselle était allée au bal dans une maison située près de la rue Saint-Antoine. On entendit toute la soirée des coups de feu suivis de rumeurs. La reine et Mazarin auraient bien voulu être hors de Paris ; mais le Palais-Royal était surveillé par le peuple, et l’habitude de traîner son mobilier après soi rendait bien difficile de partir sans qu’on s’en aperçût. La cour décida cependant d’essayer.

Le Palais-Royal avait repris son train accoutumé. La surveillance des Parisiens se relâchait peu à peu. Alors, le 12 septembre avant le jour, quelques voitures de meubles filèrent du palais vers Rueil. Le 13, le petit Louis XIV était tiré de son lit de grand matin, et suivait les meubles en compagnie de Mazarin.

  1. Histoire du Temps.