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confesseur laïque, ainsi que l’a dit excellemment M. le marquis de Vogüé, et c’est bien là le rôle que Beauvillier joue auprès de lui. Sans doute elles sont honorables et touchantes. On y voudrait cependant quelque chose d’un peu plus mâle et qui sentit davantage l’ardeur des vingt ans.

Cette ardeur, on la retrouverait probablement dans les nombreuses lettres qu’il adressait à la Duchesse de Bourgogne. Il n’est guère en effet de dépêche au Roi que Boufflers ne termine en disant qu’il y joint une lettre pour la Princesse. Malheureusement, ces lettres ont été perdues, ainsi que celles que la duchesse de Bourgogne elle-même lui adressait tous les jours, s’il faut en croire du moins ce qu’elle-même mandait à sa grand’mère ; mais cette régularité nous paraît peu vraisemblable et distillée surtout à excuser sa paresse épistolaire vis-à-vis de sa grand’mère. Des sentimens qu’inspirait au Duc de Bourgogne cette seconde séparation succédant à celle de l’année précédente, nous trouvons heureusement l’écho dans une lettre adressée par lui à Mme de Montgon, cette dame du palais, fille d’une amie de Mme de Maintenon, dont nous avons déjà parlé et qui inspirait aux deux époux une singulière confiance. Il date cette lettre, par plaisanterie probablement, de l’écurie de Santen. Il signe : Pyroïs, cheval du soleil, et cette plaisanterie lui permet de se livrer à une série de métaphores dont il est aisé de deviner le sens : « Dès que j’ai lu un certain endroit, lui dit-il entre autres, j’ai commencé à hennir d’une étrange manière, avec les narines plus ouvertes que jamais, j’ai respiré et soufflé le feu, et, si je n’avais été bien attaché à la mangeoire, je crois que j’aurais mordu et tiré des coups de pied sans regarder à droite et à gauche[1]. »

Sa sollicitude conjugale se traduit également, et d’une façon plus touchante, dans les lettres qu’il adressait à Mme de Maintenon. « Si je songe à me conserver de ce côté-ci, lui écrivait-il en post-scriptum d’une lettre qu’il lui adressait de Santen, songez aussi, je vous prie, à conserver une personne à qui vous savez que je prends quelque intérêt ; car j’aurois peur qu’elle ne se fit malade, et vous êtes la seule de qui elle pourra suivre les conseils là-dessus. » Mais la Duchesse de Bourgogne ne pensait point à se faire malade, et, comme c’était l’usage du reste

  1. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvillier, par M. le marquis de Vogüé, p. 125.