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dans un temps où la guerre ne suspendait les plaisirs ni à la Cour, ni à la ville, elle paraît n’avoir rien changé à sa vie de divertissemens pendant que son mari était à l’armée, ni fait le sacrifice d’une partie ou d’un bal.

Le Duc de Bourgogne ne trouva point, au cours de cette campagne, l’occasion brillante de se distinguer que sa jeune ambition avait rêvée. Il n’eut point, comme il le souhaitait, la joie d’écrire à son frère une lettre datée du champ de bataille, au lendemain d’une victoire remportée sur les ennemis. « La campagne de Flandres fut triste[1], » dit Saint-Simon, et il est certain en effet qu’assez brillamment commencée, elle se termina mal. La faute en fut aux incertitudes de Boufflers, qui, au début, ne sut pas profiter de ses avantages, et, à la fin, se laissa dominer par un adversaire devenu supérieur en nombre. Sans doute un jeune prince qui aurait eu le génie de la guerre aurait trouvé en lui-même les inspirations nécessaires pour suppléer aux défaillances du vieux maréchal, mais il ne se rencontre pas souvent de grand capitaine à vingt ans. Tout ce qu’on pouvait lui demander, c’était de payer bravement de sa personne. Il n’y manqua pas. A deux reprises différentes, il eut occasion de montrer qu’il était de bonne race.

La première fois, ce fut au début de la campagne. Après une trop longue période d’attente que d’Artagnan, Berwick, et le Duc de Bourgogne semblent avoir été d’accord pour blâmer, et qui fut due, partie à la nécessité d’attendre un convoi de vivres et de munitions, partie aux lenteurs de Boufflers, l’armée royale se porta en avant, et, par ce brusque mouvement, surprit l’armée ennemie qui, de son côté, s’était endormie dans l’inaction. Le comte d’Athlone, qui commandait les forces réunies de la Hollande et de l’Angleterre, prit le parti de décamper pendant la nuit. Il se réfugia sous les murs de Nimègue. Le Duc de Bourgogne s’attacha d’abord à le suivre, sans rien engager (nous résumons ici la dépêche de Boufflers au Roi)[2] en attendant son aile droite et son infanterie. La droite ayant rejoint, il ordonne qu’on poursuive l’armée ennemie avec un peu plus de vivacité. Elle est poussée et culbutée sur les glacis de Nimègue avec beaucoup d’audace. Le Duc de Bourgogne fit « alors canonner et

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. X. p. 189.
  2. Dépôt de la Guerre, 1549. Boufflers au Roi, 11 juin 1702. Voyez Pelet, Histoire militaire du règne de Louis XIV, t. II. p. 531.