Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne s’illuminait à cet endroit d’une des plus belles transparences d’âme qu’il m’ait été donner de contempler. Poème de l’homme et du chrétien, d’abord écrasé par la menace de la détresse imminente et qui, pourtant, reste debout quand Dieu a frappé. A certains momens, il se dérobe, il pleure comme une femme, il appelle, non pas la mort, mais le sommeil, le divin sommeil ; et puis, bien vite, il se reprend, il tient tête à tous les assauts, tant qu’enfin, malgré les hommes et presque malgré Dieu, il sauve l’œuvre mourante et la laisse définitivement fondée et triomphante, après la crise qui aurait dû vingt fois l’engloutir.

Dès les premiers mois de 1875, l’année fatale, le journal laisse percer quelques inquiétudes. Il y a eu en ville plusieurs cas de fièvre scarlatine, et on se demande comment le collège pourra échapper au danger.

Le 4 octobre, peu après les vacances d’été, le journal porte ces quelques mots : « Deux ou trois cas de fièvre au collège. Je commence à être inquiet. » Le 7 octobre, plusieurs cas nouveaux : « Cela passera comme le reste. God is God ! » 8 octobre : « On sonne le glas ce matin ; j’ai eu un moment de terreur ; c’était pour la mort d’un voisin. » 10 octobre : « Trois nouveaux cas dans la même maison. Comme le ciel change vite ! Tu as détourné ta face et le malheur a fondu sur moi ! » C’est difficile de rester sage dans le succès ; plus difficile encore de sentir que ces souffrances sont une bénédiction. Je le sais bien pourtant, mais j’ai encore souvent des sentimens d’enfant. »

Déjà la panique gagnait les familles. Plusieurs parens réclamaient leurs enfans. Thring essaie de rassurer tout le monde et de communiquer son énergie à ceux qui l’entourent.

« Je sais que Dieu travaille. Il est avec nous. Tout ira bien. »

Il obtient que le comité d’hygiène se mette enfin en mouvement, mais rien ne pourra désarmer l’hostilité sotte et méchante de la petite ville qui redoute la contagion et du conseil d’administration qui n’a pas encore pardonné à Thring son attitude de novateur.

Le 15 octobre voit mourir la première victime. C’est le fils d’un des professeurs du collège. Thring avait cru que Dieu lui promettait la guérison de cet enfant.

Je n’avais pas tout à fait compris sa volonté, mais je ne me suis pas trompé sur la très douce réponse qu’il a faite à ma prière.