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constate de plus en plus combien peu on doit se fier aux indications des guides : direction générale de la route, état de la végétation, longueur de l’étape, sont des choses qu’il est impossible d’obtenir exactement d’eux[1]. » D’une façon générale les indications des guides touareg sont toujours décourageantes ; sur la route d’In-Azaoua à Iferouane : « là, un heureux hasard nous place au milieu d’une surface, très inattendue et tout à fait bienvenue, recouverte de mrokba vert ; nos chameaux vont donc pouvoir dîner, ceux qui ne sont pas restés en route du moins. Pourtant les guides nous avaient annoncé dès hier que nous ne trouverions pas aujourd’hui une seule touffe d’herbe, même sèche[2]. » Et dans la dernière partie du trajet, au milieu du Damergou, pays cependant cultivé et habité, à la date du 30 octobre 1899 : « La mission se met en route à trois heures et demie du matin, précédée de trois ou quatre guides, qui paraissent aussi peu sûrs de la route les uns que les autres[3]. » Que certains guides aient tendu des pièges à la mission, soit pour la faire échouer, soit pour faire piller par des compères les chameaux abandonnés dans un pays difficile, cela ne fait aucun doute. Il semble vraisemblable que, par ce mauvais vouloir des guides, on a plusieurs fois manqué la bonne route[4]. Une fois, vers la fin du voyage, en quittant Agadez, la trahison du guide fut absolument certaine. « Nous avions déjà constaté, écrit M. Foureau à la date du 13 août 1899, que nous étions suivis par de petits groupes (de Touareg) désireux de recueillir nos épaves ou de nous voler les animaux. » On s’aperçoit bientôt que le guide est de connivence avec eux. « Il avait dans le principe suivi à peu près régulièrement l’azimut de route qu’il nous avait indiqué lui-même pendant le jour ; il se met à obliquer d’abord légèrement, puis fortement dans l’est et enfin, peu à peu, tournant toujours il nous mène directement au nord. » On l’interroge, il prétend qu’il suit la bonne route, ignorant que la boussole renseigne la mission. « Il est évident que, soit de son propre mouvement, soit pour obéir à des prescriptions données d’avance, Khelil (le guide) voulait nous tromper et qu’il comptait sur la soif pour semer peu à peu les hommes de la mission et se

  1. Mission saharienne, p. 95.
  2. Ibid., p. 146.
  3. Ibid., p. 493.
  4. Ibid., p. 329.