Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque sorte en pèlerinage au puits de Tadjenout, lieu du massacre de la mission Flatters, situé à l’ouest du tracé suivi, ce qui imposa, aller et retour, huit étapes très dures. On faisait aussi, de temps à autre, surtout dans la première partie du trajet, des arrêts un peu prolongés, soit pour attendre les convois de ravitaillement destinés aux hommes, soit pour profiter de ce que les pâturages sahariens étaient en tel endroit plus abondans que d’ordinaire ; c’est ainsi que, à la date du 18 janvier, en sortant de la région de l’Anahef peu favorisée, M. Foureau écrit : « Non seulement nous séjournons aujourd’hui, mais nous avons l’intention de prolonger assez longtemps cette halte, tant pour attendre les convois de ravitaillement de l’arrière que pour laisser reposer les animaux et leur permettre de manger à leur faim. Nous avons la chance de trouver ici, et dans tous les environs, d’assez bons pâturages, presque verts, de Mrokba et d’Ana ; c’est une véritable aubaine ; car d’après ce que nous avaient affirmé nos guides, nous ne devions rien y rencontrer ; tout devait être mangé. C’est là un exemple frappant de la confiance que l’on peut accorder aux renseignemens fournis par les guides de ce pays[1]. » Plusieurs fois des haltes semblables, plus ou moins prolongées, eurent le même motif.

L’ignorance parfois et plus souvent la mauvaise foi des guides touareg étaient une cause d’incertitude et de péril, et aussi de retard. M. Foureau se loue beaucoup des guides chambba, la grande tribu arabe qui habite l’extrême sud de la province de Constantine et le pays environnant. Mais il tient un tout autre langage au sujet des guides touareg ; or, c’est à eux qu’il fallait avoir recours à partir de 400 ou 500 kilomètres au sud de Ouargla. Abd-En-Nebi, un homme de confiance qui a accompagné la mission jusqu’au Soudan et dont M. Foureau fait l’éloge, « prétend, écrit ce dernier, que la route que nos guides nous ont fait prendre à travers le Tindesset, est un chemin où ne passent que des méhari (chameaux de course) ou des voyageurs isolés. La vraie piste facile, coupée seulement de trois mauvais passages, reste dans notre ouest. Les Touareg ne nous auraient dirigés sur cette voie que parce qu’ils pensaient qu’un grand nombre de nos chameaux s’arrêteraient en route et qu’ils pourraient ainsi les recueillir et en bénéficier[2]. » Et plus loin : « Je

  1. Mission saharienne, p. 100.
  2. Ibid., p. 73.