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Quand on pense que, dans un vieux pays, à climat tempéré, humide même dans sa moitié septentrionale, comme la France, une grande partie des exploitations rurales n’ont de l’eau que par des travaux d’une certaine importance, le forage méthodique de puits ou l’établissement de mares cimentées pour les bestiaux, qu’en outre beaucoup de communes sont obligées de chercher les eaux au loin, de les capter, de les protéger, l’on comprend que, dans le Sahara, des soins analogues donnés aux nombreuses eaux de la surface ou souterraines en augmenteraient dans des proportions énormes le débit. Le Sahara, toutes les constatations précédentes l’établissent, possède des ressources en eaux relativement importantes.

Nous n’avons parlé que du Sahara septentrional et central ; quant au Sahara méridional, il est, surtout à partir du 21e degré et jusqu’au 15e degré, que l’on peut considérer comme le terme de la région réputée désertique, dans des conditions très supérieures.

Un autre trait de la légende qui défigure le Sahara, c’est que cette immensité serait dépourvue de végétation. Même des hommes instruits ont cette idée. Un naturaliste russe, qui avait beaucoup étudié le Turkestan et qui visita ensuite l’Algérie, sur laquelle il écrivit un livre fort intéressant[1], M. de Tchihatchef, pensait avoir trouvé une plante qui pourrait prospérer dans le Sahara. L’expérience a montré qu’il n’est nul besoin d’une semblable découverte ; dès maintenant, sur la plus grande partie de sa surface, cette immensité, proclamée désertique, jouit d’une végétation assez variée et parfois fort abondante. Elle contient de nombreux pacages et du bois. Ce n’est pas seulement dans les oasis qu’on les y rencontre ; c’est sur la généralité de la superficie saharienne. Le bois est plus rare et plus cantonné que les plantes fourragères, mais il n’est pas absent. En dehors du palmier, qui exige une nappe d’eau assez forte, on trouve dans le Sahara, outre de nombreux arbustes et des tamaris, diverses sortes d’arbres ; le gommier notamment et l’éthel. Le gommier paraît avoir le Sahara pour habitat, comme le savent, depuis plusieurs siècles, nos traitans du Sénégal. Parlant des procédés de protection de la mission, M. Foureau écrit à la date du 25 octobre 1898 : « Dès que nous avons atteint la zone à gommiers, le carré

  1. Tchihatchef, Espagne, Algérie et Tunisie, Lettres à Michel Chevalier.