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personnages auxquels j’ai dû m’adresser pour cela ont presque ri de ma bonhomie. N’importe, je ne me suis pas découragé : j’ai poursuivi la chimère de mes recherches, et c’est une des causes du retard que vous aurez remarqué dans ma correspondance. Mais il a bien fallu finir par reconnaître que le phénix ne nichait pas dans ces contrées.

Alors nous avons tourné nos regards vers la cléricature : même embarras, même difficulté, même disette de sujets ; même impossibilité d’atteindre ce qu’il nous faut. Ici, comme ailleurs, on trouve de bons prêtres, des ecclésiastiques dont les mœurs sont pures, dont la doctrine est orthodoxe et la conduite régulière. Celui-ci sait du latin, du grec, voire même un peu d’hébreu ; cet autre y joindrait au besoin l’étude de l’histoire et de la littérature moderne ; mais tout cela ne fait pas un Fénelon, ni même un Péréfixe. L’ensemble de connaissances jugées nécessaires, la réunion surtout de qualités reconnues indispensables, ne s’est pas plus trouvée en soutane qu’en frac. Force nous a donc été de nous replier sur Didier.

Ici, nouveau mécompte, nouveau désappointement. Didier est homme d’esprit et de talent, homme pieux et savant, doux et poli, ayant l’usage du monde et les allures du salon. On lui accorde tout cela sans nulle contestation, et plus encore que tout cela ; mais on lui refuse certaines qualités non moins essentielles pour remplir dignement la tâche dont il s’agit. Caractère timide, faible, sujet au découragement, qui s’effraie du plus petit obstacle, qui recule devant la plus légère résistance, ses supérieurs déclarent catégoriquement qu’il ne saurait nous convenir, qu’il faut porter nos vues ailleurs.

Je vous vois d’ici, cher baron, froncer le sourcil à la lecture de tout ce qui précède et un peu ému de ce qui peut suivre. Rassurez-vous : la Providence nous réservait mieux que nous n’osions espérer. Ces mêmes hommes (je vous les garantis pour de bons juges), ces mêmes hommes qui nous déconseillaient Didier, qui même, pour ne pas compromettre leur responsabilité, se refusent formellement à nous le céder, nous proposent, nous accordent un sujet infiniment plus distingué encore, un sujet qu’ils donnent pour parfait, dont en un mot ils répondent. L’opinion sur son compte est unanime. Car je ne me suis pas seulement borné, conformément à mes instructions, à consulter Ignace[1] et Gilbert[2], mais encore les (cardinaux Sala et Lambruschini)[3], deux hommes de beaucoup de valeur, lesquels ayant longtemps vécu en France et à la cour savent parfaitement ce qu’il nous faut. Et remarquez une chose qui certainement n’échappera pas à la sagacité de Robert[4], c’est que l’inconvénient de position de l’individu dont il s’agit disparaît presque, ou du moins n’égale pas à beaucoup près celui qui s’attache a la personne de Didier notamment connu en France et en Europe (pour Jésuite, ) tandis que le (Père Druilhet) c’est le (nom du sujet en question) n’est (connu pour tel) que d’un très petit nombre d’individus étrangers à la cour. Il sera dès lors très facile de dissimuler la chose en lui

  1. Le général des Jésuites.
  2. Le P. Rozaven, assistant du Général.
  3. Les mots entre ( ) sont en chiffres dans l’original.
  4. Charles X.