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peut-être difficile de les leur refuser, mais il est hors de doute qu’ils vont encore monter la tête de cette pauvre princesse et qu’elle tracassera le Roi ; le pis encore est qu’elle fera beaucoup de tort à la cause de la légitimité. Ah ! qu’il me tarde de sortir de la cruelle position dans laquelle je me trouve ; je le désire bien vivement, malgré tout mon dévouement pour le Roi, pour sa famille, pour ses intérêts ; mais quand on ne peut ici faire le bien qu’on voudrait, ni souvent empêcher le mal que l’on voit, comment rester au poste que l’honneur vous avait indiqué ? Il me serait difficile de vous dire combien je suis tourmenté de cet état de choses !…

J’ai reçu bien des lettres de Paris, de Londres, des provinces, en un mot de tous nos agens. Ils gémissent d’autant plus, que dans leur opinion, le fantôme qui effraye tant ici, n’a plus aucun crédit en France ; on commence à y reconnaître la vérité, et l’on rougit de honte de toutes les fausses démarches que l’on a faites pour soutenir des mensonges. On est furieux d’avoir été trompé, et celle qui pouvait tout il y a huit mois ne serait suivie aujourd’hui que par quelques intrigans. Sa déplorable conduite n’est pas moins funeste pour la bonne cause que pour elle-même, et je ne puis, malgré tous ses torts, m’empêcher de la plaindre et de regretter vivement tout ce qu’on lui a fait perdre. Que deviendra-t-elle ? que deviendra son fils ? et le retour sur nos enfans est bien affligeant. La Villatte part ce soir, il a fait demander au Roi s’il pouvait aller à Léoben, la réponse a été qu’il ferait mieux d’aller chez lui.

Adieu, mon cher baron, je ne vous parlerai de ma tendre amitié que pour vous assurer qu’elle ne peut finir qu’avec moi.


LE DUC DE BLACAS AU BARON DE DAMAS

Prague, ce 14 février 1834.

Je venais, mon cher baron, de vous écrire à Rome et en Suisse, quand j’ai reçu la lettre où vous m’annoncez que vous serez à Turin le 25 de ce mois. Je profite de cet avis avec empressement, et je joins ici une lettre qui vous prouvera que j’ai remis exactement tout ce que vous m’avez adressé. Je viens également de recevoir une lettre du comte Alfred[1] ; il m’écrit de Paris en date du 3 février, il ne me mande rien de très remarquable, si ce n’est qu’un parti, dont on veut toujours faire peur, diminue journellement, et que sans M. de Chat… d[2], M. de Fitz-J.[3], la Gazette et la Quotidienne, il n’en serait plus question. Je le pense de même, néanmoins on continue à tourmenter cruellement… et le refus d’accéder, pour le moment, aux mesures qu’on voulait imposer, fera de nouveau jeter les hauts cris. Le départ de M. d’Hautp…[4], qui vous quitte décidément, sera encore un motif de plaintes ; mais il faut savoir faire le bien pour le bien,

  1. Le comte Alfred de Damas, frère puîné du baron, né à Munster en 1794, lieutenant-colonel de cavalerie, chevalier de l’ordre de Saint-Louis et de la Légion d’honneur, gentilhomme honoraire de la Chambre du roi Charles X. Il mourut en 1840, sans avoir été marié.
  2. M. de Chateaubriand.
  3. M. de Fitz-James.
  4. M. d’Hautpoul.