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Il exprime la même idée dans maints autres passages comme celui-ci : « Le renforcement de la puissance britannique par le progrès de la fédération impériale est un objet du plus grand intérêt pour les Américains, et trouvera chez nous, en général, une profonde sympathie, bien que, sur certains points, il puisse provoquer encore quelque jalousie. La république américaine et l’empire britannique ont eu bien des querelles dans le passé, et le souvenir n’en est pas entièrement effacé. Mais on voit se dessiner dans une clarté grandissante les conditions permanentes d’union qui ont existé dès l’abord, et que recouvraient les débris des collisions et des disputes d’autres générations. Pour la langue, la législation, les traditions politiques, il y a identité entre les deux peuples ; le sang même est commun, malgré les effets indéniables de certains élémens étrangers. »

La force de ses sympathies anglaises n’a cependant pas fait oublier tout à fait à Mahan qu’il est surtout Américain. Ses premiers ouvrages avaient glorifié la grandeur navale de l’Angleterre. Il s’occupa exclusivement de son pays dans un volume intitulé : L’intérêt de l’Amérique dans la maîtrise de la mer[1], qui parut dans les derniers mois de 1897. Le livre n’est en apparence qu’une « réunion d’articles isolés publiés à des intervalles considérables pendant une période de plusieurs années, écrits sans préoccupation d’une relation entre les uns et les autres, et, à l’origine, sans prévision d’une publication ultérieure ». En réalité, il était le fruit, parvenu à maturité, d’études prolongées dans le domaine de l’histoire navale.

Mahan n’éprouvait pas seulement un intérêt théorique pour le Sea Power en lui-même. Son dessein de tout temps a été de tirer de l’histoire navale des leçons pour les États-Unis, de montrer à son pays quel objet il devait poursuivre, et par quels moyens il le devrait poursuivre, si l’occasion surgissait. Analysant dans ses premiers écrits les élémens principaux de la suprématie maritime, et recherchant dans quelle mesure ils étaient possédés par les États-Unis, il disait : « Même si les États-Unis avaient une marine marchande nationale très développée, il n’est pas assuré qu’ils auraient une forte marine de guerre. La distance qui sépare l’Amérique des autres grandes puissances, est une protection, mais aussi un piège. Il est pro-

  1. The Interest of America in Sea Power, Present and Future, by A. T. Mahan, U. S. N., 1897.