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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.


Nous sommes en vacances ; le monde se repose ; et il y a eu si peu d’événemens importans depuis quelques jours, que les discours de M. Camille Pelletan ont attiré une attention et produit une impression que leur intérêt seul ne justifierait pas. M. Camille Pelletan a de l’esprit, mais il ne l’a jamais surveillé, ni gouverné ; au point qu’il est devenu, même dans ce milieu de la presse où l’on se permet tant de choses, l’incarnation parfaite de l’indiscipline intellectuelle. Cela n’a pas nui à ses succès d’écrivain. Il a toujours eu beaucoup de verve, du brio, et des mots vraiment très drôles.

Ce sont sans doute ces qualités qui l’ont désigné au choix perspicace de M. Combes pour en faire un ministre de la Marine. Nous n’irons pas jusqu’à dire, car il faut être juste, qu’il ne savait pas ce que c’est qu’un bateau. Il s’est beaucoup occupé des questions maritimes, et il y a même apporté quelques vues heureuses. Mais ses études sont restées superficielles et décousues, et ses conclusions exagérées. Enfin le voilà ministre : on s’est demandé tout de suite ce qu’il allait faire. Il y avait des chances pour qu’il fît quelques bonnes choses ; il y en avait malheureusement davantage pour qu’il en fit beaucoup de mauvaises. Peut-être l’application de son esprit aux affaires et le sentiment de sa responsabilité le mûriraient-ils subitement. Il fallait voir. En tout cas, sa tâche nouvelle était assez grande pour absorber toutes ses facultés. L’homme le mieux doué, devenant du jour au lendemain ministre de la Marine, a certainement beaucoup à apprendre. On pouvait donc espérer que M. Pelletan se confinerait tout entier dans son ministère, et que, renonçant provisoirement à ses habitudes de polémiste, il laisserait le reste de l’univers en repos, à