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à Francfort : c’est alors qu’il composa son œuvre capitale sur les Races humaines[1], dans laquelle il essaya de prouver, avec infiniment d’éloquence, et en s’appuyant sur de nombreux matériaux scientifiques, la thèse que la race, le sang des peuples, était l’agent dominant de leur histoire. En 1854, il fut nommé premier secrétaire en Perse, et il vécut dans ce pays de 1855 à 1858 et une seconde fois, comme ministre plénipotentiaire, de 1862 à 1864. Ces deux séjours en Iran furent pour M. de Gobineau l’occasion de travaux auxquels l’avaient admirablement préparé les études de sa laborieuse jeunesse. Si la science contemporaine a démontré l’erreur dans laquelle il était tombé en publiant ses deux livres sur les cunéiformes[2], si elle fait peut-être trop bon marché de son Histoire des Perses[3], tous les orientalistes s’accordent encore à reconnaître la haute valeur de son ouvrage sur les Religions et les Philosophies dans l’Asie centrale dont une troisième édition vient d’être publiée (Paris, 1900, Leroux). Ses Trois ans en Asie (Paris, 1859) et ses charmantes Nouvelles Asiatiques (Paris, 1876) se rattachent également à cette époque de sa carrière.

Ministre à Athènes, 1864-1868, à Rio de Janeiro, 1869-1870, à Stockholm, 1872-1877, le comte de Gobineau fut mis à la retraite en 1877. Il passa le reste de sa vie à Rome. Pendant des années, de dures épreuves de toute espèce combattues par lui, avec tout l’héroïsme d’une grande âme, par un excès continuel de travail, avaient irréparablement ruiné sa santé jadis si solide. Le 13 octobre 1882, il succomba à une attaque d’apoplexie qui le frappa à Turin comme il retournait à Rome après un voyage en Auvergne.

Avant de clore cette trop brève esquisse biographique, il convient de rappeler les services rendus par M. de Gobineau pendant la guerre de 1870, qui le surprit au château de Trye en Beauvoisis, qu’il avait acheté en 1857. Maire de Trye et conseiller général de l’Oise, il déploya, pendant cette triste époque, une activité infatigable, d’abord pour organiser la résistance, puis, l’invasion accomplie, pour faire soigner les blessés, approvisionner les troupes, améliorer les rapports avec les vainqueurs, etc. Il réussit même à faire réduire d’un chiffre considérable la contribution imposée à son département, et après

  1. Essai sur l’inégalité des races humaines, 4 vol. Paris, 1853-55. Firmin Didot ; 2e édition, 1884.
  2. Gobineau avait émis l’hypothèse que les inscriptions cunéiformes contenaient des talismans, des prières et des formules sacrées, tandis que la science les a reconnues avec une certitude absolue pour des documens profanes, historiques et politiques.
  3. 2 vol. in-8o, Paris, 1869.