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74 REVIÎE DES DEUX MONDES. tainement ! — en laissant de côté tout ce qui devrait vous toucher, Dieu, la morale, votre enfant, sans même vous faire remarquer que, pour une femme qui se respecte, la séparation serait un mal encore pr(férable à une rupture que l’Eglise réprouve et que le devoir condamne, pour parler, pour oser parler du divorce, il faut des preuAfs, mon enfant, et des témoignages!... M’"" Favié eut l’intuition que la femme qui s’exprimait ainsi était redoutable, par soji caractère entier et rigide ; et, intervenant : — Ces preuves et ces témoignages, M. Le Hagre les connaît trop pour ne pas vous édifier pleinement. — Vraiment? mais comment m’apprendrait-il ce qu’il se de- mande dans son innocence et sa sincérité? dit M""" Le Hagre. — Il m’a parlé, en effet, de soupçons abominables, d’un tiroir forcé, d’enveloppes emportées, mais il m’a dit aussi que rien, dans ces enveloppes... Ce n’est pas tout d’accuser, il faut convaincre... — Je crois, fît INI"’" Favié, à qui le rouge monta au front, que la lumière se fera plus éclatante que vous ne le désirez. — Abrégeons, dit Francine. Et à sa belle-mère : — Dites-nous enfin ce que vous espérez. — Ne vous l’ai-je pas dit? Je n’ai pu croire que, sans motifs valables, par coup de tête, vous vous jetiez dans une aventure pareille ! C’est la mort dans l’âme que Fernand se verrait dans la nécessité de défendre son honneur. Croyez-moi, ne l’y contrai- gnez pas. N’allez pas au-devant de l’irréparable ! Pour Josette, pour l’honneur de tous, oubliez ce que vous avez pu souffrir. Mon fils, s’il a eu des torts, saura les réparer. Il vous aime tou- jours. Pardonnez-vous mutuellement. Revenez chez lui, chez vous, il en est temps encore. Francine fut prise d’un rire nerveux : — Tu entends, maman !... Me pardonner, à moi?... Revenir... M’aimer... Non, c’est trop fort! Ces mots, au lieu de la toucher, l’irritaient davantage. Cette compensation des torts, f(ui semblait résulter des adjurations de M""’ Le Hagre, lui semblait la plus cruelle injustice, un outrage nouveau. Elle ne pouvait croire à la bonne foi, pourtant entière, de sa belle-mère. — Si c’est la guerre, reprit M"" Le Hagre, plus pale, — et qu’une sourde colère gagnait, — ne vous en prenez qu’à vous ! Fernand, que vous avez désespéré, luttera par tous les moyens