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« Le peuple français sera consulté sur la question : Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie ? — Il sera ouvert dans chaque commune des registres où les citoyens seront invités à consigner leurs vœux… » La théorie du plébiscite, ce droit divin des Bonaparte, venait d’apparaître dans leur histoire.

Le temps pressait. Dans la nuit du 20 au 21 floréal, le « Gouvernement » approuva la rédaction de son Conseil, et à deux heures du matin, le secrétaire d’Etat, Hugues-B. Maret, transmettait l’arrêté consulaire aux différens ministres. Il les invitait aussi à bien « indiquer » aux fonctionnaires « l’esprit comme la portée d’un pareil acte. » Sans tarder, ces ministres se mirent à la besogne ; ils composèrent en fort beau style de hâtives circulaires : avant midi, elles étaient prêtes.

Celle du ministre de la Guerre se distinguait autant par l’amphigouri de son pathos que par le sens pratique de ses instructions… « La tranquillité de l’Etat, disait-elle, est attachée à la stabilité de son gouvernement ; cette stabilité augmente la confiance du peuple, en donnant au génie qui conçoit le temps nécessaire à l’exécution. » Mais Berthier, tout en faisant des phrases, imposait une consigne. Il enjoignait aux officiers, sous-officiers et soldats, d’avoir à émettre leurs vœux sur des registres ouverts dans les casernes ou les bureaux d’états-majors. Ainsi, le capitaine allait surveiller le vote de sa compagnie, et le colonel devait garantir le bon esprit de son régiment.

Le soir même, des courriers extraordinaires emportaient ces instructions vers les résidences des généraux commandant les vingt-six divisions militaires. Les trajets, à cette époque, se faisaient lentement ; les routes étaient peu sûres : celles de Bretagne et du Bas-Maine passaient pour dangereuses. Toutefois, dans la nuit du 24 floréal, les ordres de Berthier arrivèrent sans accident, à Rennes, le quartier général de l’Armée de l’Ouest.


De toutes les divisions militaires réparties de Coblentz à Bastia, la treizième (Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Morbihan et Finistère) était celle qui, en 1802, contenait le plus de soldats. Son état de situation, pour le mois de floréal an X, indique la composition suivante : neuf demi-brigades d’infanterie de bataille ou d’infanterie légère ; deux régimens de cavalerie, et deux régimens d’artillerie, — sans compter les bataillons du train, les compagnies d’ouvriers militaires, des dragons-guides,