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tel ouvrage. Ces attributions semblent bien être, — comment dire ? — accessoires ou surérogatoires (il y a dans le texte : en outre) et temporaires ou provisoires (il y a dans le texte : jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné). Mais, dans la réalité, elles sont devenues les attributions ordinaires, principales et permanentes du Conseil d’État. Il est devenu de plus en plus un haut tribunal de contentieux administratif, de moins en moins un Conseil d’Etat. Et, par ce développement constant et progressif de sa juridiction administrative, par cet envahissement et ce foisonnement des affaires contentieuses, c’est tout le débat sur la justice administrative qui se trouve rouvert.

Débat qui n’est pas d’hier, et dont il serait exagéré de dire qu’il a rempli le siècle dernier, puisqu’il fallut bien d’autres choses, et de plus éclatantes, pour le remplir, mais qui s’est prolongé pendant tout le cours du XIXe siècle, et qui n’est pas clos encore aujourd’hui. Nous n’aurons garde d’y rentrer ici : le sujet est de ceux qui valent une étude, et qu’on ne saurait effleurer en passant. Il est permis néanmoins de rappeler que dans cette controverse, où les principes étaient engagés, mais non les principes tout seuls et tout secs, peu de grandes voix négligèrent de se faire entendre, pour ou contre, surtout contre. Contre la justice administrative parlèrent ou écrivirent, sous la Restauration, où la polémique fut le plus ardente, Voyer d’Argenson, de Villèle, Roy, Dupont de l’Eure, Alexandre de Lameth, Manuel, Gaétan de la Rochefoucauld, Dupin aîné, Devaux, Labbey de Pompières, de Salverte ; pour : les gardes des sceaux Pasquier, de Serre, Portalis ; le ministre Vatimesnil ; Cuvier, MM. Hély d’Oissel, de Chantelauze et Pardessus. Le duc Victor de Broglie constatait en 1828 que l’opinion « de beaucoup d’hommes recommandables par leur dévouement aux libertés publiques » était nettement favorable à la suppression de la justice administrative. C’était cette thèse que soutenaient, dès 1824, Duvergier de Hauranne, dans son livre l’Ordre légal en France ; dès 1818, Bérenger, dans son étude la Justice criminelle en France, qui concluait au renvoi aux tribunaux civils de toutes les affaires comprises dans le contentieux administratif, et, dès 1814, dans un écrit inspiré peut-être en maint endroit par la rancune et qui prend parfois le ton du pamphlet, mais auquel on ne saurait refuser les qualités de ses défauts, la clairvoyance et la vigueur, on pouvait lire :