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existence : celle-ci le fait passer par toutes sortes d’états de coloration avant de le réduire : le sel s’arrête à l’état qui le protège le mieux. Il s’arrête au rouge si c’est la lumière rouge qui l’assaille, parce qu’en devenant rouge par réflexion il repousse le mieux cette lumière, c’est-à-dire qu’il l’absorbe le moins.

Il peut donc être avantageux, en vue de comprendre les phénomènes naturels, de regarder les transformations de la matière inanimée comme les manifestations d’une sorte de vie interne.

Les corps bruts ne sont donc pas plus immuables que les corps vivans. Ils dépendent, les uns et les autres, du milieu qui les entoure. « L’idée de vie, dit Auguste Comte, suppose constamment la corrélation nécessaire de deux élémens indispensables : un organisme approprié et un milieu convenable. C’est de l’action réciproque de ces deux élémens que résultent inévitablement tous les phénomènes vitaux. » C’est aussi des actions réciproques du milieu et du corps brut que résultent inévitablement les phénomènes présentés par celui-ci. — Le corps vivant est quelquefois un réactif plus sensible que le corps brutaux excitations ambiantes ; mais d’autres fois, c’est l’inverse.

Il ne pourrait y avoir, en définitive, qu’un corps immuable chimiquement, c’est l’atome du corps simple, puisque, par définition même, il figure inaltéré et intangible dans les combinaisons. Mais cette notion de l’atome inaltérable commence elle-même à être battue en brèche[1] et d’ailleurs, sauf un très petit nombre d’exceptions, celles du cadmium, du mercure et des gaz de la série de l’argon, les atomes des corps simples ne peuvent pas exister à l’état libre.

Il ne suffit pas de déclarer, avec Kassowitz, que la vie plonge des racines profondes dans le règne minéral. Il faut préciser leurs rapports. — Ils s’expriment en une brève formule : Le milieu ambiant fournit à l’être vivant sa matière, son énergie et ses stimulans.

Toute manifestation vitale résulte du conflit de deux facteurs : les conditions extrinsèques, physico-chimiques, qui en déterminent l’apparition, les conditions intrinsèques ou organiques qui en règlent la forme. Bichat et Cuvier voyaient dans les phénomènes de la vie l’intervention exclusive d’un principe d’action tout intérieur, entravé plutôt qu’aidé par les forces universelles

  1. Voir, dans la Revue du 1er juillet 1902, les Élémens de la matière.